L’envol (1/2)
Salut !
Voici un texte écrit il y a de cela un an je crois (et oui, admirez le retard de post que j’ai !). Comme d’habitude cette histoire m’est venue d’une image, celle qui clôturera l’histoire au prochain épisode !
Bonne lecture !
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L’envol (1/2)
Sur la plaine l’herbe ondulait, bercée par le vent. Le suivant dans son sillage comme un enfant aux jambes trop courtes courrai derrière ses parents, la fraîcheur de la nuit approchait. Ce n’était pas de ces brises annonciatrices de sang ou de pluie faisant converger les regards vers les lèvres de la tempête et plisser les yeux pour ne pas pleurer. C’était une brise à l’ample foulée -éprise de voyage et d’histoire- sur le dos de laquelle chevauchent les souvenirs du ciel et de la terre. Un peu plus loin, dans le creux d’une colline, à cette heure où le soleil projette ses derniers rayons, les ombres jouaient dans les rues et sur les murs d’un village. On aurait presque pu entendre leur rire. C’était alors que le bal commençait. Un à un les villageois sortaient de chez eux et traversaient les ruelles, un paisible sourire sur le visage. Chacun connaissait son cavalier et ses pas de danse. Pour certains c’était des réverbères pour d’autres des lanternes. Lorsqu’ils arrivaient à leur hauteur ils soulevaient leur chapeau ou faisaient virevolter l’ourlet de leur jupon tout en inclinant la tête. Ces politesses échangées, se hissant sur la pointe des pieds, d’une seule allumette frottée contre un mur, la lumière jaillissait. Ce n’était qu’une fois ce rituel accomplit que les villageois rentraient chez eux, tenant par la main les ombres aux yeux tristes.
Je tendis l’oreille : le vent chantait ; une longue complainte d’amour pour une femme aimée et disparue. Il me confia que s’il jouait avec l’herbe c’était pour ne pas oublier toutes ces nuits passées, son souffle dans son cou, à faire onduler les mèches folles de ses cheveux.
« Raconte-moi » murmurai-je.
Et il me raconta.
Il était une fois un village où la poésie n’avait pas sa place et où les enfants interdits de rêver n’étaient plus que des ombres aux yeux tristes tandis que ceux osant braver les règles étaient bannis sur la plaine.
Il était une fois une brise amoureuse…
« Attends mon chéri, reviens ! On n’a pas le droit de monter sur la plaine ! »
Une voix, comme un flocon d’émotion qui viendrait fondre là où se rejoignent les lèvres. Il la rencontra un soir, au crépuscule. Fatigué de sa longue journée il s’était allongé, la tête posée au creux de ses mains. Cependant à peine l’eut-il entendu qu’il était déjà accroupi, tous les sens aux aguets. La première personne qu’il vit apparaître à l’horizon fut un enfant aux cheveux si blonds qu’ils en paraissaient presque blancs. Il courrait, les yeux levés vers le ciel comme s’il voulait attraper les papillons.
« Hegoa, tu m’entends ? Reviens ! »
Sa rapidité et son agilité sur l’herbe ondoyante lui donnaient l’air d’un jeune oiseau avant son premier envol. On s’attendait presque à voir des ailes se déplier dans son dos.
« Hegoa ! »
Silence. Dans son cou étaient posées les tièdes lèvres du vent.
Au centre du village se tenait une place entourée de réverbères quelque peu voûtés, saluant majestueusement le flambeau central qui jamais ne s’éteignait. Il éclairait des dalles couvertes d’une écriture si vieille qu’elle en était difficilement reconnaissable et qui rappelait à quiconque voulait bien les lire, les trois principes à n’enfreindre sous aucun prétexte :
« Il est interdit de jouer avec les ombres à la nuit tombée ou de monter sur la plaine. » Et, un peu plus loin, à moitié effacé :
« Ne jamais éteindre les lampadaires une fois le soleil couché. »
Nul ne sût qu’ils étaient montés sur la colline. En réalité personne ne levait les yeux aussi haut et même s’ils avaient voulu regarder les étoiles ils ne l’auraient pu : la clarté des lanternes étaient comme un nuage cachant le Soleil. Assise sur les marches devant sa maison, la jeune femme regardait son enfant jouer. Dès son plus jeune âge la différence d’Hegoa lui était apparue : il portait sur le monde un regard…aérien. Ses yeux allaient de droite à gauche et de gauche à droite, curieux de tout ; courant sur les pavés plus vite que ses frêles jambes le lui permettaient et ne se posant quelque part que pour mieux s’élancer.Très tôt la jeune mère avait compris qu’elle devrait le protéger du village ; seulement comment veiller, à terre, sur un oiseau dont chaque battement d’aile réveille un rêve ?
Les soirs qui suivirent Hegoa voulu retourner sur la colline et sa mère ne put l’en empêcher, sentant au fond d’elle un étrange besoin de chaleur. Chaque fois le vent se réjouissait lorsque l’enfant arrivait, courant sur la plaine, les bras écartés perpendiculairement à son corps. Ses yeux toujours levés vers le ciel, semblaient fixer la Lune et si sa mère, parfois, ne l’avait rappelé, peut-être se serait-il envolé jusqu’à elle. Malgré l’interdiction bien connue de monter sur la colline, la jeune femme se sentait apaisée, comme si quelqu’un à ses côtés l’enlaçait et la rassurait. Ces soirs là deux regards veillaient sur Hegoa avant, parfois, de se rencontrer. La plaine alors, n’était plus qu’immobilité.