Souffle Mots

Dans le reflet d’une image

22nd décembre 2014

Dans le reflet d’une image

Salut !

Jacky m’a fait remarquer récemment que ça faisait longtemps que je n’avais pas posté sur mon site, et pour cause !

Je vous présente alors aujourd’hui un texte écrit l’année dernière, en fin d’année scolaire vers les vacances de Pâque je suppose mais je n’en suis pas très sure. Il est assez abstrait par moment, j’espère ne pas vous perdre ^^ sinon n’hésitez pas à me demander des explications !

J’en profite pour vous souhaiter un Joyeux Noël et une Bonne année.

Bye et bonne lecture.

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Dans le reflet d’une image

Lorsque les personnages naquirent ils étaient comme des nuages dont les contours encore flous, ne demandent qu’à être façonnés par le vent. Alors doucement le murmure des lèvres modelait leur visage pour dessiner l’histoire d’une femme-papillon et d’un Prince au château de sable, d’un ange veillant sur eux et d’une plume amoureuse. Les fleuves et les ruisseaux, sur le grève toujours se rejoignent et un gravier dans leur sein peut assécher l’océan. Ce soir là la pierre avait la taille de mon poing.

***

Sur son nuage un ange pleurait, enroulé dans ses ailes pour ne plus voir la lumière du jour. Il pleurait comme sonne le tonnerre dans la nuit. Je ne sais plus d’où venait ses larmes : il était de ses lacs qui se gorgent de la pluie des moussons avant de sortir un jour de leur lit. Caché sous ses plumes de nacre son corps tremblait, petit oisillon se débattant dans la gangue de sa coquille. Tout avait commencé par l’onde d’un galet à la surface de l’eau, un détail ; par une plume tombée du ciel entre les mains d’un enfant. Seules quelques années séparent le frémissement de l’eau de la vague. Se levant soudain, les ailes à moitié repliées et le dos voûté, il saisit à chaque main une plume, l’arracha puis la jeta dans le vide. Tout contrastait : la violence de son geste et la lente chute des plumes dérivant au grès des courants ; l’envergure de ses ailes et les larmes si petites, qui roulaient le long de ses joues ; son corps d’adulte et son regard d’enfant perdu, figé des années auparavant. Il se souvenait d’une femme et du rire d’un enfant, image d’un souvenir éclaté en des dizaines de tableaux, en des milliers de mots.

J’aurais voulu savoir lire ceux qui glissaient de sa joue.

Il était une fois un Prince, assis en tailleur au centre du son château. Regardant fièrement son royaume en cette fin d’après-midi, la brise caressant sa peau lui soufflait la venue prochaine de l’automne tandis que le ciel en prenait la teinte. Sous le soleil couchant les remparts rougeoyaient et, sur le sol, l’ombre du fanion commençait à se troubler. Comme si les yeux, déjà, s’embuaient de larmes. Perdu dans sa contemplation le Prince percevait en arrière fond l’agitation des bâtisseurs posant les dernières pierres à leur ouvrage ainsi que l’éclat de l’eau des douves semblant maculée de sang, prémisse de la bataille à venir. Il regarda à l’horizon. Son château était si petit face à l’envahisseur, si fragile. Un grain de sable…

Affichage de IMG_4235.JPG en cours...

Un corps à moitié nu. La poitrine se soulève doucement puis de façon de plus ne plus saccadé. Hoquet. Ses cheveux ramenés sur sa peau telle la vague sur la grève, elle pleure. Douleur . Elle pleure à s’en faire mal ; comme les anges qui pour renier la vérité, en viennent à couper leur ailes. Dans ses yeux le papillon s’est envolé. Alors, loin de la chrysalide le monde devient un autre : violent.

Le drap sur ses cuisses et l’air frais qui s’y engouffre.

La goutte d’eau sur l’aile du papillon et le filet se profilant devant lui.

La main qui l’attrape par la taille puis le silence.

Petite on m’avait dit qu’il suffisait de toucher l’aile d’un papillon pour que plus jamais il ne vole.

On l’avait pris par la main et traîné hors de son royaume, otage de la réalité. Tout était fini. Les bâtisseurs étaient rentrés chez eux et il ne restait sur la grève plus que lui et cette main le tirant en arrière. Elle tenait fermement son poignet et sa peau, usé par le temps, n’avait plus la douceur des siennes ou des autres enfants : elle était de ces mains sur lesquelles les couronnes n’ont pas d’emprise. La nuit allait bientôt tomber et s’il devait rentrer avec sa mère, le jeune Prince ne pouvait cependant s’empêcher de songer au devenir des rêves réfugiés entre les murs du château. Dans son esprit la bataille, déjà se jouait mais il ne pouvait qu’observer. Elle avançait lentement, bataillon par bataillon, immense armée de l’océan. Elle avançait et l’enfant reculait, ses pieds foulant le sable comme s’il eut voulu lancer la cavalerie au grand galop. Très vite le château fut à portée de tir et, après chaque assaut de l’infanterie, l’écume décochait une volée de flèches à la pointe salée. L’imaginaire hurlait et il avait beau plaquer ses mains sur ses oreilles, il continuait de l’entendre. Puis, l’eau emplissant lentement les douves, ce fut le siège. Cependant le ciel était d’encre et le Prince déjà loin. Jamais il ne vit les remparts s’effriter avant de tomber en ruine, l’eau pénétrer à l’intérieur telle une marée de soldats, combler les fossés et recouvrir les ruelles avant de tout emporter, de tout effacer. Au début le reflux de l’océan laissait apercevoir les décombres de la cité engloutie, telles les danseuses jouant avec l’ourlet de leur jupon pour attiser le désir des hommes. Néanmoins en quelques minutes ce fut comme si le château n’avait jamais existé. Alors, quelques heures plus tard, allongé sur son lit les yeux grands ouverts, le bruit des vagues l’empêchant de dormir, il imagina.

Et dans ses rêves le palais ressuscita.

Un regard entre la peur et le défi ; la honte et l’envie. Une main immobile qui voudrait se tendre pour saisir l’invisible telles les serres d’un rapace guettent la proie. Se pencher et t’embrasser, menace.

Un stylo. L’apprivoiser, doucement, comme l’oiseau caresse l’eau du bout de ses ailes. Du bout de nos doigts.

Une plume tombée des nuages, passerelle entre le ciel et la terre. Elle pleure : la main est partie, blessée par de l’encre et sans elle la plume ne sait ordonner aux images de danser.

J’aimerais pouvoir la consoler mais je ne trouve pas les mots.

L’ange avait échoué, incapable de les protéger. Le papillon avait perdu ses ailes et le Prince son château. Lentement, alors que tout espoir l’abandonne, des pans de son nuage tombent en lambeaux.

« Maman ! Il y a quelque chose dans l’eau ! C’est quoi ? »

Les yeux fermés comme s’il voulait garder en lui encore un peu d’innocence, le monde alentour ne lui parvient plus que par brides.

« Je ne sais pas, tu veux qu’on aille voir ? »

Des bruits de pas étouffés par la grève, le clapotis de l’eau comme le rire cristallin d’un enfant…

« Une plume ! On dirait celle d’un ange Maman. »

…comme le cri d’un ange qui n’a plus de nuage. Une histoire sans personnages.

« Tu crois que ça pourrait être le drapeau de mon prochain château ? »

Deux paupières qui se lèvent comme pour laisser entrevoir l’aube. Soudain quelque chose le retient : une main à moitié nue. Ses doigts sont vêtus d’encre.

« Vole ! »

Sur la grève un enfant court une plume à la main et le bras dressé vers le ciel comme s’il eut voulu faire de la plume un oiseau tandis que dans les yeux d’une jeune femme un papillon se met à danser.

Vivants.

Ou peut-être que tout ceci n’est qu’une image…

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14th septembre 2014

En noir et blanc (2/2)

Salut !

Voici la fin du conte dont je vous avais présenté le début il y a quelques mois. Entre temps j’ai repris les cours : deuxième année d’école d’ingé !
J’espère que la fin du conte vous plaira, n’hésitez pas à me donner votre avis.

La première image est une plume que deux de mes amies m’ont offert pour mes 21 ans et la deuxième image un tableau de Begarat de mes parents.

Bye et bonne lecture !

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En noir et blanc (2/2)

Certaines vocations surviennent tard dans la vie, à cet âge où le temps à déjà façonné les êtres que nous sommes. D’autres surgissent entre l’adolescence et le début de l’âge adulte, à cette période de notre existence où tout, jusqu’à notre identité, est remis en question. Et puis il y a celle qui n’ont, en apparence, aucune origine. Dites-moi : j’avais quel âge quand je suis née ?
Depuis quelques mois je me pose souvent une question : « Pourquoi ? »
Pourquoi ces lettres sur ma feuille et ces paysages dans ma tête ; ces lèvres qui remuent à peine, rythme imperceptible des mots, et cette impression qu’une plume à la main je sais enfin danser ?
Je me souviens petite de ces histoires que je racontais à ma mère avant qu’elle ne me dise qu’elle devait faire autre chose, de ces rêves d’enfant qu’on remonte à la réalité et du bout de sa plume suspend aux nuages, de ces envies d’ailleurs et de liberté ainsi que de ces sentiments anonymes que je glissais à leur encontre dans le cœur des personnages dans l’espoir que l’on fasse connaissance.
« Pourquoi ? »
Un court silence, reflux des graviers sur la grève.
« Pour écrire ce que la vie nous interdit et devenir ce que je ne serai jamais.
Pour m’échapper d’un monde un peu trop étroit et coudre des plumes dans le dos des enfants.
Pour accrocher des Lunes aux toits des maisons et peindre dans les forêts des arbres de rouille.
Pour une voix dans ma tête, ce regard innocent qui réclame des histoires et des tableaux où s’endormir. »
Les syllabes que l’on sépare et les lettres qui se font lourdes, comme gorgées d’encre.
« Pourquoi ? »
L’impatience d’une plume.
« Parce que. »


C’était le troisième tableau qui bénéficiait de la plupart de son attention. Il pouvait rester des heures assis face à lui à observer la brusque déchirure de l’espace, les rails qui sombraient dans l’oubli et les arbres dont les branches semblaient soudain se briser. Toile écartelée.
On racontait que c’était une représentation de la surface mais au fond qu’en savait-on réellement ? Après la Catastrophe les survivants s’étaient réfugiés sous terre et avaient battis le Souterrain. Toutefois cela devait faire des décennies voir des siècles que personne n’était remonté à la surface et nul ne savait d’où provenait ces tableaux. Certains parlaient d’un peintre fou de l’ancien temps ou encore de reliques d’avant la Catastrophe mais cela faisait longtemps que nul ne s’était de nouveau intéressé à l’origine de ces tableaux, les habitants n’y trouvant aucun profit et les historiens préférant se pencher sur la Catastrophe elle même.
Les rumeurs sont orphelines.
Il l’appelait le Tableau malade et depuis qu’il l’avait découvert il hantait ses nuits. Un battement de paupière et des notes de couleurs semblaient éclore dans l’ombre, bulles de savon qui éclatent. Tous les jours en l’observant il songeait à sa résolution de le soigner, à ce rêve qui s’était immiscé en lui d’achever le tableau. Il ne se rappelait pas comment cette idée lui était apparu. C’était comme si, gravé en lui, il y avait toujours eu la certitude que ses petites touches de couleur éparses pourraient un jour enfanter un paysage.

Les barreaux de l’échelle étaient humides. Ses yeux aussi. Peut-être à cause de cette toile dont l’extrémité, bien qu’enroulée dépassa de son sac et des deux autres qu’il laissait derrière lui. Peut-être en raison de ces habitants qu’il quittait sans un au revoir, de ces historiens à la longue barbe qui très vite lui manqueraient et de ce sentiment pesant de fuir comme un voleur. Emportait-il la toile uniquement pour la soigner ou également pour une raison qu’il se refusait d’admettre ? N’avait-il pour seul but que de finir la toile ou bien souhaitait-il depuis longtemps, au fond, fuir le Souterrain ?
Il cligna des yeux et une petite goutte d’eau salée chuta au sol.
Peut-être était-ce simplement en prévision de la lumière du jour qui, bientôt, viendrait l’éblouir.

Les murs blancs et droits de la chambre où se découpaient de petites fenêtres. Les portes closes des salles de cours qu’on ouvrait parfois pour avoir un peu d’air.
Les lignes du grillage encerclant la cour de récréation et ces barreaux sur la feuille. Ce crayon entre mes mains -pression- que l’on brise et ces lèvres que mes doigts ont cousu.
Je me fous du talent de Rimbaud.
J’admire ses rébellions.
Ses fugues.
« Dis, tu m’enseignes la Liberté ? »

S’il avait su serait-il redescendu ? Aurait-il ramené le tableau dans le Tunnel ? Nul ne lui avait dit qu’après la Catastrophe tout était devenu noir et blanc, effrayant paysage de photographie. Le ciel était pâle et les arbres semblaient recouverts de poussière.
Il jeta un coup d’œil en bas : l’échelle était comme coupée en deux au niveau de l’entrée du Souterrain. Sur sa partie inférieure il distinguait la mousse verdâtre et les traces de rouille sous-jacente avant que, plus haut, ne disparaisse toute couleur.
Rapidement il se hissa au sommet de l’échelle sur des rails d’un gris sale. Machinalement il se vit attraper la manche de son pull et commencer à frotter le métal à ses pieds tandis que son esprit s’éloignait :
« Qu’est ce que vous faîtes Monsieur ? »
Des souvenirs, en noir et blanc.
« Je nettoie l’échelle. »
Son regard vers la surface.
« Elle mène où l’échelle ?

  • A un chemin de fer il paraît. »Il fronce les sourcils.

« Faudra le nettoyer aussi le chemin de fer ?

  • Probablement. »

Un sourire. Le sien ou celui du monsieur, il ne sait plus.
« Qu’y a-t-il au bout du chemin de fer ? »
Un clin d’œil malicieux.
« La mer. »

Je n’ai jamais réussi à fixer les couleurs, à les décrire. Ce n’était pas important pour moi, un détail, comme si les nuances étaient infinies et qu’il m’était impossible de choisir.
Y a-t-il plus de mots ou de teintes ?
J’aime la nuit et ses histoire en noir et blanc, neiges éternelles.
Alors, de ne pas choisir, je me sentais libre.
Il marchait. Un pas après l’autre sur les lignes du chemin de fer comme les mots s’alignent sur le quadrillage des feuilles de papier.
J’écrivais.
Des trains contorsionnés dans d’immenses crevasses et des morceaux de tôle égarée, des arbres penchés sous le poids des nuages et la peur au fond du regard.
Où allait-il avec son tableau malade qu’il ne pourrait jamais soigner et ses bras trop grands qu’il ne savait qu’enrouler autour de ses jambes.
Il cherchait des réponses à des questions inconnues.
A nier la réalité de la surface, les habitants du Souterrain lui avaient-ils fait perdre toute couleur ? N’existe-t-on que dans le regard des autres ?
Je crois qu’il cherchait quelqu’un sans savoir qui se présenterai à lui tout comme la feuille attend le regard sans savoir de quel lecteur il viendra.

« Regarde ! La mer ! »
Une voix aux milles couleurs, comme un flash dans l’obscurité. L’enfant se retourna. Dans le lointain il aperçus un petit garçon un peu plus jeune que lui, ses grands yeux tournés vers l’horizon et son poing refermé sur le vide, comme s’il voulait entraîner quelqu’un à sa suite. Il ressemblait à un papillon…
Soudain l’enfant se mit à courir sur les rails et il le perdit de vue, étincelle qui vacille.
« Attends ! » Cri pour retenir le temps alors que tout s’accélère : un tableau se met en marche tandis qu’un garçon se retourne et ce sont désormais deux paysages qui courent l’un vers l’autre.
Puis tout se figea et ils se firent face. L’un, accroupi, avait un sac sur le dos et l’autre serrait dans son petit poing une main invisible. Alors, sans un mot, comme s’il avait toujours dû en être ainsi, le Maître des Couleurs prit l’enfant dans ses bras.

Il m’avait entraîné. Vers la mer et mes origines, vers mon avenir peut-être aussi. Ses petits doigts avaient saisi ma main pour la guider vers cette feuille, océan sans couleur. Je crois qu’il ne voulait plus être seul.
« Tu sais peindre ? » avait-il demandé.
J’écris pour cet enfant. Pour tous les enfants.
Pour ceux qui n’ont pas encore grandi et ceux qui ne meurent jamais, terrés au fond de nos cœurs. Pour ceux nés au milieu des guerres , entre quatre murs ou dans les banlieues dortoirs, pour les exilés du bonheur et les rêveurs en pointillés, ces enfants qui marchent à cloche pied sur les lignes noires et blanches de la réalité.
Pour l’innocence de l’Humanité.

C’était comme si l’enfant accompagnant le Maître des Couleurs connaissait cet univers par cœur, comme s’il avait participé à sa création pierre par pierre, écoutant au loin les plans de l’architecte.
« Je voudrais te présenter trois amis. »
Dans la mémoire du petit Maître les souvenirs étaient flous, comme brouillés.
Il se souvient avoir suivi l’enfant sur des rails longeant l’océan jusqu’à un croisement d’où s’élevaient des voix. En tailleur sur le chemin de fer et formant un petit cercle il avait découvert trois êtres étranges, si vieux qu’ils semblaient être nés en même temps que l’univers. Deux étaient des femmes et le troisième, un homme, s’exprimait à grand renfort de gestes tandis que l’enfant tirait doucement la manche de sa tunique :
« Non petit, laisse nous finir notre tableau, il y a encore de nombreux points dont nous devons discuter entre nous. »
Jamais il n’oubliera le regard triste de l’enfant et la couleur qui semblait s’en échapper, rêve envolé.
« Mais…on m’avait dit que l’océan pouvait prendre toutes les couleurs. Pourquoi est-il gris ? »
Sans lui prêter attention ils se remettaient à parler de tableaux disparus et de la Catastrophe, d’un monde où soudain les couleurs s’étaient fanées et d’une toile inachevée. Ils fouillaient leur souvenirs à la recherche de teintes oubliées, voulaient finir un tableau qu’ils ne possédaient plus et le faire à l’image d’un paysage qui s’était tût.
Bien qu’étant à quelques mètres à peine d’eux, la conversation parvenait de façon fragmentaire au maître des Couleurs, comme lorsqu’une feuille tombe d’un arbre et qu’alors l’arbre lui même devient flou et semble s’effacer. Ce soir là, la feuille était une échelle en bordure du croisement et elle s’élevait vers les nuages à l’infini.
Alors, oubliant la toile malade et les peintres fous, la Catastrophe et le Souterrain, il déposa son sac au sol puis sorti sa palette de couleurs et ses pinceaux.
… « Les tableaux, ils sont trop hauts, je n’arrive pas à les soigner. » Souvenirs d’un enfant perdu.
« Ce soir je te construits une échelle Petit Maître, ne t’inquiète pas. » Une voix rassurante.
… « Elle mène où l’échelle ? » La même voix des années plus tard, auquel répondit le sourire des peintres.
« A tes plus beaux rêves. »

Une marche puis une autre. En bas ils n’étaient plus que trois : l’enfant était parti rejoindre la mer.
Un pas puis un autre. Jusqu’où s’élèvent nos rêves ?
Soudain il s’arrêta, humecta son pinceau du bout des lèvres puis le trempa dans une couleur. Un rouge, un beau rouge couleur de rouille.
Et lorsqu’il le posa sur le ciel ce dernier rougit. Peut-être l’avait-il ému…
Un peu plus bas, en écho, une petite tâche sur l’océan se teinta de rouge et, assis sur les rails en face de la mer, un enfant sourit.

Le premier geste de liberté est d’écrire. Avec un pinceau ou une plume, un burin dans la pierre ou une corde pincée et d’enfin briser les chaînes de nos esprits. Les siennes d’abord puis celles de la société.
Après il n’y a plus grande différence entre les rêves et la réalité. Juste une histoire de teinte.

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12th août 2014

Emission de radio

Salut !

Petit interlude avant la suite de En Noir et Blanc. Je vous présente enfin l’émission de radio réalisée l’année dernière en Février et dont je vous avez déjà parlé. Jacky et son fils ont eu la gentilesse de me l’héberger sur internet car je n’y arrivais pas. Je les remercie donc !!

Vous pouvez écouter l’émission de radio à ce lien.

J’espère que cela vous plaira, et n’hésitez pas à continuer la discussion par commentaires.

Bye et bonne écoute !

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8th mai 2014

En noir et blanc (1/2)

Salut !

Je sais, je n’ai plus posté depuis trèèès longtemps. Désolé. En février ça n’allait pas trop.

Voici cependant un texte (enfin !) ou plutôt un conte, écrit cet été en Août. Vu qu’il fait 8 pages d’ordi je le mettrais en deux parties ^^

J’espère que ce conte vous plaira et si vous avez des questions, n’hésitez pas !

Bye et bonne lecture.

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En noir et blanc (1/2)

« Tu m’emmènes voir la mer ? »

C’était un enfant. Un de ces enfants-papillons à qui on écrit des lettres avec une plume et pour qui on invente des histoires de Lune suspendues aux toits des maisons.

« Non, plus tard. » répondis-je le regard dans le vague. Il fit une moue désapprobatrice.

« Pourquoi ? »

Comme une impression de dialogue entre deux êtres qui croient déjà tout savoir l’un de l’autre.

« Elle est loin la mer »

Il était assis, rêveur, au bord du trottoir, sur une chaîne de métal reliant deux poteaux et il se balançait d’avant en arrière.

« Ça veut dire quoi « loin » ? » demanda-t-il en appuyant plus que de coutume sur ce dernier mot.

Comme échappant au fil de mes pensées mon regard se posa sur ces feuilles suspendues aux branches des arbres, trop loin pour que je puisse les saisir puis sur ce ciel si haut qu’il me semblait que je ne pourrais jamais le rejoindre. Je songeais alors à ces êtres que l’on aime en secret, loin des mains et de leur caresse ; à ceux si proches et si loin en esprit, différence sans dimension ; à cette feuille blanche que mes doigts pouvaient toucher mais qui restait pourtant insaisissable.

« Rien, ça ne veut rien dire » C’était faux mais c’était plus simple. Au fond si je savais ce que « loin » signifiait, ne le ressentait-il pas lui aussi ?

Je me rappelle de ce silence premier puis de ces pensées qui se mirent à tambouriner dans ma tête, poursuivies par d’étranges tableaux ; de cette chaîne qui grinçait et de mon envie de crier à ce gosse d’arrêter de se balancer avant de réaliser que mes pieds aussi étaient suspendus au dessus du sol.

« Ça ressemble à quoi la mer ? »

Souvenirs.

« A un ciel un peu trop fatigué qui s’est endormi sur la terre

-Pourtant personne ne se baigne dans le ciel. » répliqua-t-il.

Je souris et lui désignais les étoiles du bout du doigt.

La nuit était tombée, lentement, comme si elle venait de très loin.

« Change de rôle » Étrange voix dans ma tête.

On avait pris le chemin du retour et je lui avais dit que les oiseaux, pour eux rien n’était loin. Depuis il veut que je lui couse des plumes dans le dos mais je n’ai pas osé lui dire que je n’aimais pas les aiguilles.

« Change de rôle » Incompréhension.

Je lui ai promis de lui montrer la mer un jour dès qu’il serait grand. Pourquoi attendre ? Ça n’avait aucun sens. Peut-être parce qu’à cette époque je ne pouvais pas lui offrir ce qu’il souhaitait.

« Change de rôle » Une peur.

Il m’avait demandé quand est-ce qu’il serait grand. Je n’avais pas su répondre : je crois qu’on a le même âge.

« Change de rôle » Comme une porte vers l’inconscient.

Je saisis ma plume et commençais à coudre des lettres sur la feuille blanche. Alors, peut-être qu’il pourrait s’envoler.

****

Il avançait, seul au milieu du paysage. Ses bras faisaient un angle de 90° avec son corps comme s’il eut voulu toucher les plumes des oiseaux qui le frôlaient, étrange funambule.

Il marchait au dessus de la cime des arbres en direction du Soleil couchant qui se découpait à l’horizon. Le ciel était rouge et les lignes sous ses pieds de rouille.

Parfois il s’asseyait en tailleur pour regarder en bas l’épaisse forêt parsemée de crevasses, corps dénudé de la Terre. Des bouts de ferraille pendaient aux branches des arbres tandis que dans les puits de poussière des chaînes de métal sortaient du sol.

En ce soir d’automne même les feuilles étaient de rouille et seule la blancheur des oiseaux contrastait avec le tableau. Peut-être était-ce des colombes ou bien encore encore des goélands. Il espérait que ce fut ces derniers car alors cela aurait voulu dire que l’océan n’était plus très loin.

L’après-midi touchait à sa fin. J’attendais ma correspondance sur le quai d’une petite banlieue parisienne, de ces gares au nom composés, trop long, comme inversement proportionnel à sa fréquentation.

Quelques sièges étaient pris, d’autres libres. J’avais décidé de rester debout. Un observateur extérieur aurait cru que j’étais pressée et guettait fébrilement mon train des yeux en espérant saisir la meilleure place. En fait peu m’importait qu’arriva ou non ma correspondance, je voulais juste sentir la brise du soir dans mes cheveux et sur ma peau humide, sentir monter l’adrénaline à l’approche d’un train ne s’arrêtant pas en gare et qui semblait près à m’engouffrer. Appel d’air et de liberté.

Je voulais observer le chemin de fer qui s’étirait à l’infini, cette courbe légère qu’il prenait soudain avant de disparaître, les canettes abandonnées quelques mètres plus bas et dont on ne distinguait déjà plus les inscriptions…des canettes qui n’étaient plus que rouille.

Quelques fois je m’accroupissais au bord du quai, simplement pour avoir l’impression d’en être un peu plus proche. Envie de s’y noyer.

Mais surtout il y avait cet appel, comme une voix qui me murmurait à l’oreille de descendre sur les rails et de marcher sans autre but que de suivre la route jusqu’à son berceau et d’embrasser la liberté. Qu’il est palpitant d’aimer l’interdit.

Pourtant mes pieds toujours restaient figés, comme enchaînés.

Toute son enfance aurait pu se résumer en un mot ou plutôt en un lieu : le Tunnel, ce long couloir bien souvent désert sur les murs duquel étaient suspendus par des chaînes de vastes tableaux qu’éclairaient de faibles lampions et qui étaient répartis par rapport à un épais trait rouge séparant le tunnel en deux. En travers de cette ligne étaient gravés deux lettres : J-C pour Jour de la Catastrophe.

Il connaissait le Tunnel par cœur, les aspérités de la roche à éviter et les renfoncements naturels au creux desquels il pouvait se blottir les jours où les courants d’air se faisaient trop forts ; le nombre de pas séparant chaque tableau ainsi que leur dimension ; les endroits où l’eau ruisselait de la roche et qu’il tentait de combler ; le nom de chaque teinte et jusqu’à l’odeur particulière de chaque tableau.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne il avait toujours passé le plus clair ses journées dans ce Tunnel, seul avec ses pinceaux et sa palette de couleur. Lorsqu’une goutte venait mordre un coin de tableau il s’empressait de recréer la teinte exacte et de le soigner. C’était son expression : « je soigne les tableaux ».

Toutefois le Tunnel était plus qu’un lieu : une part de lui même.

Comme tous les descendants des survivants de la Catastrophe il habitait le Souterrain mais était un des rares à s’aventurer dans le Tunnel. A ce dernier se raccrochait un nom et une identité : le Maître des Couleurs comme on l’appelait, ainsi que les regards curieux des habitants du Souterrain accompagnés de chuchotements à son approche. Sur la pierre était peinte la différence et la passion tandis qu’avec l’eau perlait la solitude et l’incompréhension de la plupart des habitants.

« Il est bizarre ce gosse » entendait-il parfois.

« Pourquoi il ne joue pas avec les autres ? » s’étonnaient les mères de famille.

Néanmoins certains lui témoignaient également de l’affection et ce qui ressemblait parfois à de l’admiration.

« Comment vont les tableaux, Petit Maître ? »

Une main qui ébouriffe ses cheveux.

« Pas trop froid là dedans ? »

A chaque fois qu’il commençait à grelotter il mettait un des pulls qu’on lui avait tricoté puis ramenait ses genoux sous son menton. Ça lui donnait l’impression que quelqu’un le prenait dans ses bras.

Les historiens l’appréciaient beaucoup et en dehors du Tunnel il passait la plupart de son temps libre chez eux, dans une des branches les mieux chauffées du Souterrain.

C’était comme un marché : l’enfant leur décrivait chaque tableau que le froid les dissuadait d’aller observer par eux même et en contre partie les savants lui parlaient de leur découverte et du temps d’avant la Catastrophe.

« Un nouveau est arrivé, peux-tu lui décrire les trois principales toiles ? » lui demandait-on parfois.

Il s’asseyait alors à un petit bureau en face du novice et commençait son récit, d’abord de façon très solennelle puis de plus en plus passionnée :

« Le premier tableau date d’avant J-C, il fait 3m50 de long sur 2m20 de haut et le cadre massif qui l’entoure est incrusté de pierres précieuses rehaussant le caractère terne de la toile et soulignant l’abondance de cette époque. Le premier est un rubis aux faces arrondies par… »

Un geste rapide de la main. L’enfant esquisse un sourire puis ferme les yeux tandis que quelques personnes s’approchent de la table.

« Je revois les immenses tours qui sortaient du sol puis se ramifiaient en bourgeons de métal. Le paysage était blanc et gris, monde bicolore environné de la lumière blafarde du Soleil au zénith. Chaque tour était reliée à ses voisines par une longue chaîne de métal de sorte que cet édifice entourait une vaste coupole centrale à la clarté inhabituelle.

-Le Puits… » murmura un historien, qui s’était joint au groupe. Toutefois l’enfant n’entendait plus rien.

« Et parmi ces chaînes, comme défiant la gravité, il y avait ces lignes que recoupaient d’autres lignes, ce quadrillage dont l’ombre se projetait sur le sol et les tours. Ce chemin de fer venait puis repartait, quittait une tour pour en rejoindre une autre avec sur le dos son chargement métallique, se noyait dans la coupole pour en émerger de nouveau avant de s’éloigner des tours et de… »

Il s’arrêta net, comme si on lui avait ôté tout air des poumons.

« Le premier tableau s’arrête là. » déclara un historien à la longue barbe posté derrière l’enfant, en direction de ce qui ressemblait désormais à une assemblée.

« Nous allons passer à la deuxième toile. »

Silence.

Alors l’enfant raconta le tableau comme s’il s’y trouvait. Il peignit la terreur face à la coupole en flammes et les gerbes de feu qui s’en élevaient puis il jeta en l’air quelques mots, crépitement de l’électricité quittant le puits avant de s’avancer vers les tours en s’accrochant aux chaînes et aux rails. Lorsque sa voix, tremblotante, se fit de plus en plus faible, ce fut pour griffonner dans les esprits en flash de lumière l’image d’oiseaux s’envolant d’un à pic, immenses trains chutant dans le vide.

Le regard dans le vague, comme épuisé, l’enfant s’était tût tandis que l’avait remplacé la voix monocorde d’un des historiens :

« Le troisième tableau date d’après J-C, il présente la particularité de… »

Le Maître des Couleurs n’écoutait plus. Il n’avait pas besoin d’écouter : il savait. Il lui suffisait de fermer les yeux pour voir apparaître dans le creux de ses paupières le paysage de rouille. Il pouvait rester des heures ainsi, à figer l’automne et la course du temps en regardant le Soleil assis sur l’horizon. Pourtant, même alors, un pan de son esprit restait noir. Non pas le noir mouvant de la nuit ni même celui feutré des ombres du Souterrain : un noir effrayant que rien ne pouvait décrire.

Sauf l’absence de couleurs.

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