La traversée des coeurs
Salut !
Voici un récit que j’ai écrit pour un concours sur le thème : « Égalité, justice et intégration en méditerranée et en Europe ». Ce texte m’a été inspiré par un évènement de mon voyage avec Students On Ice : pourrez-vous devinez lequel ?
Qu’en pensez-vous ?
En ce qui concerne l’Arctique, à partir du 15 septembre je pourrais vous présenter la lettre qui m’a permise de gagner le concours, mon journal de bord, les poèmes que j’ai écrits là-bas…plus tôt que prévu !!
Bye et bonne lecture.
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La traversée des cœurs.
L’espoir s’était échoué sur la grève.
Il avait la forme d’un cylindre de verre se resserrant à l’une de ses extrémités et fermé par un bouchon de liège. A l’intérieur se tenait enroulée une mince feuille de papier griffonnée. C’était une chance qu’elle ne fût point mouillée tandis que, coincée entre les galets, les vagues continuaient de la bercer.
Un peu plus loin en amont deux pieds blancs se tenaient fermement campés sur les rochers, immobiles bien que frissonnant sous le souffle du Mistral. A l’horizon le
Soleil commençait à sombrer dans la mer, navire englouti sans bruit.
Mais comme un dernier appel au secours ses rayons s’égarèrent sur la bouteille, allumant dans les yeux du spectateur une lumière : l’espoir.
30 septembre à 18h,
C’était cette fois-ci ou jamais. Alors j’ai levé l’ancre vers l’inconnu pour ne plus être toute ma vie enchaîné à cette terre de guerre.
Ai-je eu raison ? N’était-ce pas trop ambitieux de ma part de croire que l’on peut affronter ses origines, défendre ses opinions sans avoir à en payer les conséquences ?
Il y a encore un mois j’étais en France, assis les mains tendues au milieu d’une rue pour survivre.
J’avais espéré qu’ils m’accueilleraient comme les leurs, que je pourrai trouver un logement, un petit emploi…mais l’espoir c’est comme les fleurs : un jour elles se fanent et lorsque l’on voit tomber les derniers pétales on sait qu’une nouvelle saison est arrivée. Quand je suis parti les feuilles étaient encore en feu mais pour moi c’était déjà l’hiver car je pouvais sentir autour la froideur des cœurs, glacés.
Peu leur importait si dans mon pays régnait la guerre civile, si je fus emprisonné pour avoir osé dire ce que je pensais, si je risquais la mort à chaque critique que je lançais : ils m’y renvoyaient.
Mais nous n’avons l’argent que pour une seule traversée de la Méditerranée…alors j’ai volé un bateau, un petit voilier.
Je ne pouvais plus supporter leurs regards, leurs injures.
Je suis noir, je suis étranger mais je suis également un Homme et là-bas c’était une autre souffrance qu’ils m’imposaient…morale.
A quoi bon demander le statut de réfugié politique si c’est pour avoir à subir tout cela ?
Le seul pays auquel je me sens appartenir aujourd’hui est la Méditerranée car quand je pleure elle tend ses mains pour récupérer mes larmes…
C’était une femme mince, élancée. Elle portait une robe courte dessinant ses formes et une ceinture de coquillage marquait sa taille. Ses pieds nus avançaient délicatement épousant les contours des roches comme l’eau parfois les habille. Dans la semi-pénombre deux yeux brillaient de curiosité : un diamant ? Non…mieux : une étoile venue de la mer.
Alors ses mains empoignèrent l’espoir.
4 octobre à 21h,
Perdu, je suis perdu. Je n’y connais rien en navigation, de lourds nuages masquent le ciel et je viens de terminer ma dernière bouteille d’eau. Ce soir peu m’importe l’argent : j’ai soif. J’ai bu quelques gorgées d’eau de mer mais cela n’a servi qu’à assécher ma gorge et à raviver les plaies de mes lèvres irritées par le froid.
Il ne me reste plus qu’à attendre que le vent se lève et m’emporte où bon lui semblera, n’importe quel pays de la Méditerranée ; il y aura de l’eau, il y a toujours de l’eau…et c’est bien cela qui nous unit…
Alors pour passer le temps je tire de ma sacoche un bout de papier, l’aplatis sur mes genoux, sors un stylo et commence à écrire :
« Si tu lis cette lettre, c’est que tu es mon frère…. »
La nuit était tombée dehors et une silhouette avait lentement quitté la crique pour se rapprocher d’un lampadaire un peu plus haut, soleil artificiel.
Elle avait ôter avec milles précautions le bouchon mais il s’était toutefois effrité et le vent l’avait éparpillé sur la grève.
Un morceau de corde entourait la lettre, elle le fit glisser avant de dérouler la feuille et de l’aplatir sur ses genoux.
Alors, prenant une grande inspiration elle livra à la nuit ces mots : « Si tu lis cette lettre c’est que tu es mon frère, lève la tête et regarde devant notre mère : la Méditerranée.
Ce soir quand j’écris la mer est noire, d’un noir d’encre, sourde colère. Elle attend, elle se prépare avant d’exploser…
Cette nuit je lance un appel au secours. Une tempête s’annonce mais je n’ai pas peur. En cet instant personne ne peut me secourir face au courroux de la Nature : qu’elle m’engloutisse si elle le veut ; quand je suis né je lui appartenait déjà.
Je devrais avoir de la haine au fond de moi car si j’en suis là ce soir c’est peut-être à cause de vous qui m’avez rejeté ou de cette folie qui m’a poussé à aller outre mon destin…cependant je ne ressens rien de tel, juste de la pitié.
Vous croyez tous que vous êtes différents de nous, vous dressez des frontières invisibles alors les Hommes sont les mêmes sur chaque versant des montagnes, vous divisez la mer comme si elle vous appartenait alors que pour moi, cette nuit, les seules murailles qui m’empêcheront d’avancer seront les vagues…
Vous n’avez pas encore compris que l’on vient tous de la mer : grands ou petits, hommes ou femmes, blancs ou noirs.
SI tu lis cette lettre c’est que tu es mon frère !
Peu m’importe si je ne revois plus la terre, je ne vous en voudrai pas, je n’aurai pas de regret…
J’ignore si j’arriverai à traverser la Méditerranée mais j’espère que j’aurai traversé votre cœur.
Cette mer n’est qu’un lien entre vos pays et si je parviens ce soir à toucher votre âme en tant qu’égal alors j’aurai réalisé la plus belle traversée : la traversée des cœurs. »
La jeune femme enroula de nouveau la lettre et descendit s’asseoir sur un rocher face à la mer et son infini horizon. Cette nuit elle ne pourrait plus dormir.
Les vagues venaient lécher ses pieds. Étaient-ils blancs ? Étaient-ils noirs ? Dans l’obscurité elle n’était plus qu’une ombre noire.
Elle resta là longtemps, les yeux dans le vague et lorsque le soleil resurgit de la mer comme un noyé qui recouvre la vie, un voilier sans mât s’approchait.
Quand il fut arrivé près de la grève la silhouette s’avança. Il y avait un homme à l’intérieur, elle ne connaissait pas sa nationalité ni son nom mais à présent cela lui était bien égal. Elle se mit à pleurer sans trop savoir pourquoi.
Penchée au dessus de lui une larme lui tomba sur le visage. Les yeux embués, ce n’est qu’après quelques minutes, alors qu’elle le croyait mort, qu’elle vit qu’il avait mis ses mains en coupe pour récupérer ses pleurs.
Puis il portait l’eau à ses lèvres et buvait.
La jeune femme sourit alors : « Bienvenue mon frère. »
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