Lettre à un enfant
Salut !
Je viens enfin de finir les écrits de BCPST, quatre jours de répit et c’est reparti pour les révisions des oraux !
Entre temps je viens donc vous montrer un de mes derniers textes, écrits durant les vacances de Noël. C’est celui dont je vous avais parlé dans l’article sur l’émission de radio. J’ai déjà songé à en faire une suite et avais commencé un moment avant de passer à autre chose. Si j’achève la suite bien sur je la joindrais. Mais pour l’instant ce texte se suffit à lui même.
Si vous avez des questions bien sur n’hésitez pas à les formuler, je serais ravie d’y répondre !
Bye et bonne lecture.
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Lettre à un enfant
«Pourquoi utilises-tu toujours le mot « plume » ? » quelqu’un m’a un jour demandé.
Sur le coup je n’avais pas su répondre, « ça sonne bien, me disais-je, c’est un peu moins moderne ». Faux. Mauvaise réponse. Quelque chose en moi n’était pas d’accord…ou plutôt quelqu’un : toi.
De tes petits doigts tu tiens le bout d’une plume et lisse son duvet. On dirait l’aile d’un oiseau frémissant avant son premier envol. Elle est grande, plus longue que ta main ; si longue que tu t’imagines chatouiller les étoiles avec, dessiner un sourire malicieux sur le visage ovale de la Lune et peut-être même oser caresser le firmament. Pour toi un vulgaire stylo de cours ne changera jamais la face du monde, si petit, si maladroit, il ne peut écrire qu’une rature en devenir.
Mais une plume ! C’est tout autre ! C’est une lueur au bout de tes doigts qui me laisse rêver que la magie existe encore. Grâce à elle j’ai dans le cœur un enchanteur.
Il y a quelques années tu as cessé de grandir et je t’ai vu t’éloigner comme les femmes de marins assistent, désemparées, au départ des navires sur des océans en colère. Petit à petit elles les regardent disparaître à l’horizon, point blanc qui s’éteint dans la nuit tandis que les astres prennent le relais et leur rappellent ces fragments de vie égarés aux quatre coins des mers, ces souvenirs d’enfance qui fondent et laissent sur la langue un goût amer.
Alors tu es là à me fixer, dans un petit cadre photo, sur le haut de la bibliothèque, sourire recroquevillé dans un étroit tiroir au allure d’alvéole où le nectar est extrait d’émotions. Le cœur comble le vide de passion.
Plus je te regarde et plus ton visage devient flou. Je ne distingue plus la couleur de tes yeux ni celle de tes cheveux. Dis moi petit, es-tu un Soleil ou une Lune ? Sur le tableau les couleurs se confondent et se mélangent.
De ton image rien n’est figé, contours émoussés d’une aurore qui disparaît ; tout n’est que mouvement perpétuel, éternité d’un battement d’aile. Pourtant je pourrais peindre chaque détail de ton sourire, chaque esquisse, chaque ébauche qui tous les jours me rappelle celui des anges que je n’ai pas connu mais qui veillent en moi, robustes comme les pavés d’une chaussée millénaire sur lesquels on s’appuie, ignorant de leur histoire.
Je lève ma plume. A quoi bon écrire ? Les mots ne viennent plus comme avant, brise qui s’essouffle. Ils choient goutte à goutte sur la terre brûlante d’un désert. Ébullition. Ils se croisent et s’entrechoquent en moi. Création. As-tu seulement conscience de la douleur de se rêver magicien quand on tient dans ses mains une baguette si fragile qu’à chaque phrase elle manque de se briser ? J’ai peur des virgules solitaires au allure de barbelés, des interrogations stériles qu’aucune réponse ne peut combler, de la disgrâce des mots qui sonnent faux et de la courbe un peu trop prononcée de ces lettres imprégnées de vérités.
« Passe moi une feuille Petit ; j’ai de l’encre aux coins des yeux. »
Alors j’écris et dans ce corps qui ne peut te répondre tu hurles en silence ton désir de liberté, tu hurles à briser les murailles qui t’encerclent, à enflammer la terre, tu cries ton refus de la société, ta haine et ta douleur à ces étoiles qui t’ont menti, tu cries et je t’enlace dans mes bras :
« Bien sûr que les fées existent, j’en héberge une tout au fond de moi. »
A cet instant où tu souris je t’aime, comme on aimerait un enfant qui dort, sans remord. Toutefois tes paupières sont toujours grandes ouvertes et tu me fixes : « Raconte moi une histoire. »
J’ai sommeil cependant je m’accroupis contre le mur, ce mur recouvert de tapisserie, si fin qu’un léger courant d’air s’infiltre et me fait frisonner. Tu es là en face de moi, tes genoux ramenés sur ta poitrine, juste en dessous de ton menton. Tu te balances d’avant en arrière, tic-tac mécanique de ma vie.
« Je ne sais pas parler petit, je ne sais qu’écrire, tu t’en souviens, c’est toi qui me l’a appris.
- Écris moi des histoires. »
Tu as peur. Légers tremblements. Ce soir je t’invente un monde, promis ; ce soir on s’enfuit à deux. Toutefois l’imagination a un prix : ne regarde pas mes doigts quand j’écris, j’ai dans la paume des éclats de verre.
Je ferme les yeux et me laisse bercer par ta lente respiration.
« Écoute le roulis des vagues, leur brusque ascension des rochers puis leur calme retraite. Cependant il n’y a ni embruns ni grève sur laquelle ils pourraient s’échouer. Il n’y a que le tourbillon des nuages qui s’écrasent contre les falaises comme des roulements de tambour précédant la tempête ; et au loin des éclairs. Non n’ai pas peur Petit, c’est notre monde, un monde rien qu’à nous. Regarde ce village complotant avec le ciel, à chacun de nos mots nous y déposons une pierre. Imagine ces petites maisons bien douillettes, les feux dans les cheminées et les volets colorés. Aux toits des chaumières sont suspendus des croissants de lune. Y a-t-il des fils ? Je ne les vois guère. Peut-être ceux de soie des araignées. Imagine des portes peintes à même les murs, des portes couleurs arc-en-ciel aux poignées rondes qu’il suffirait de faire pivoter pour changer de monde, pour changer d’histoire. Imagine… »
Mais tu dors déjà. Alors de mes mots je te tisse une couverture de rêves.
Certains croiront, ignorants, que tu es cet enfant que j’ai été il y a quelques années, que tu n’existes plus. Certains me diront de t’abandonner, de grandir, d’être adulte. Pourtant en chaque personne c’est toi que je cherche comme on guette avec espoir l’horizon et le retour des navires.
D’un petit coup de plume tu transperces les murailles. Tu es l’absence éternelle et cette présence continue à mes côtés, tu es de ces papillons que je regarde voler sans pouvoir les attraper. Si je touchais tes ailes je t’enchaînerais ; comme on enchaîne à des contes les fées.
Alors vole.
posted on mai 19th, 2013 at 7 h 32 min
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