Quand brillera l’obscurité (1/3)
Salut !
Aujourd’hui je vais vous présenter la première partie d’un conte que j’ai entamé durant les vacances de pâques et finit peu après. A part Le gland qui voulait devenir grand je n’ai jamais fait de conte aussi long et quand je l’ai commencé je ne pensais pas du tout qu’il m’occuperait pendant plus de deux semaines. Le contexte, les personnages et le problème ont été assez facile à mettre en place mais j’ai eut beaucoup de mal à trouver la solution du problème : on peut dire alors que je vivais l’histoire en même temps que je l’écrivais.
J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce conte, notamment parce que pour ce faire je sortais le soir et pouvais profiter du calme de la rue ou d’un café. C’est probablement la raison pour laquelle ce texte parle tellement d’obscurité…
Bye et bonne lecture.
Quand brillera l’obscurité (2/3)
Quand brillera l’obscurité (3/3)
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Quand brillera l’obscurité (1/3)
Dans la nuit une étoile filante traversa le ciel, s’alluma, brilla puis mourut… Quelqu’un pleurait.
Il était une fois un enfant assis sur des dalles de pierre contre un mur, un petit garçon qui lançait à chaque passant un sourire timide et forcé tandis qu’eux, parfois, dans un élan de générosité, faisaient sonner à ses pieds quelques pièces de métal.
Il s’était habitué à sa condition de dos-au-mur, comme il préférait qu’on l’appela, car il est vrai que n’importe qui, riche ou pauvre, pouvait un jour s’adosser à la pierre et la remercier du soutient qu’elle lui apportait. Bien que peu glorieuse il préférait cette position à celle d’être face au mur, à celle du cancre réprimandé qu’il avait subi durant quelques années.
Quand on tourne le dos au peuple les critiques sont plus acerbes, plus ouvertes, plus lâches…et l’humiliation plus grande.
La condition de dos-au-mur avait au moins l’avantage de lui révéler l’identité de ceux qui le blessait.
Jour et nuit l’enfant restait dans cette même position, silencieux. Il ne parlait à personne, répondant simplement par quelques signes de la tête, quelques haussements du coin de ses fines lèvres.
Ce n’était que la nuit que le cœur de l’enfant s’allégeait et qu’il se laissait aller à murmurer tout seul dans la pénombre. Il déclarait ses peurs, ses joies, ses peines sans aucune honte ni crainte car qui donc un soir aurait pu s’intéresser aux sentiments, aux espérances d’un garçon refusant de dormir ?
Un jour pourtant, alors que le Soleil avait rabattu la couverture de l’horizon sur sa tête et que quelques étoiles commençaient à apparaître, éclatantes, pour aller au bal , une voix familière, à la fois proche et lointaine s’éleva. Elle s’adressait à l’enfant :
«Bonsoir ; la voix sembla hésitante, comment t’appelles-tu ?»
Sans chercher à comprendre d’où provenaient ces mots l’enfant déclara :
«Cela fait tellement longtemps qu’on ne m’a pas posé cette question que j’en ai oublié la réponse.»
Après un nouveau temps de réflexion la voix décida :
«Je te nommerai donc Lanterne…
- Pourquoi ? rétorqua l’enfant
- Tout simplement parce que les lanternes s’accrochent au mur et qu’elles sont comme des veilleuses dans les sombres rues de l’esprit.»
Inconsciemment le garçon sourit :
«Et vous, puis-je connaître votre nom ?»
Autour de l’enfant la pénombre se faisait plus dense, plus lourde mais ses yeux, habitués à l’obscurité, ne percevaient dans les environs que la seule présence des chats de gouttières et des oiseaux tournoyant au-dessus de la ville endormie.
«Comme toi Lanterne je n’ai pas vraiment d’identité et mon appellation varie suivant les contrées où je m’installe. Aujourd’hui, pour toi, je serai Nuit.»
L’enfant se recroquevilla un peu plus contre le mur, non pas qu’il fut effrayé, mais simplement parce qu’une légère brise venait de se lever et qu’il cherchait à s’en protéger.
«Suis-je le seul, Nuit, à t’entendre, ou ta douce voix résonne-t-elle dans le cœur de tous les enfants ?
- Non, ce soir je ne parle qu’à toi.»
Le garçon se tut et, les yeux grands ouverts, regarda le ciel.
Quelque chose en lui, probablement un instinct nocturne, lui chuchotait qu’il fallait être éveillé pour entendre le murmure de la nuit.
Tout le reste du temps l’enfant resta muet et son nouveau camarade fit de même. Cependant, malgré cette absence de mot, Lanterne savait que si la nuit ne parlait plus à son esprit elle s’adressait à son cœur comme bien des fois déjà elle l’avait fait, sans ouvertement se manifester. Il percevait, venant de la forêt, le hululement du hibou, le souffle du vent, un peu plus sinistre, un peu plus furtif, juste assez pour humidifier les murs et éveiller en eux d’étranges frissons.
Mais surtout c’est le silence que l’enfant écoutait, cette paisible harmonie qui unissait tous les êtres le soir tombé.
Oui, ce n’était sûrement pas la première fois que Nuit lui parlait ainsi mais pour la première fois chaque son s’inscrivait en lui comme une sensuelle caresse, signe d’une tendre affection, d’un intimité partagée.
Ce fut dans cette sérénité que le jour revint, agressant les yeux encore ouvert de Lanterne et faisant fuir Nuit à grands coups de klaxons, de cris et de ricaillements.
Les nuits qui suivirent c’est avec plus d’ardeur et d’espoir que Lanterne guetta l’appel de Nuit mais chaque fois son désir laissait place au silence, ce silence qui était désormais pour lui plus un signe d’abandon que d’amitié.
Ce n’est qu’au bout de plusieurs semaines que l’enfant, pris d’une profonde mélancolie songea à rétablir lui même le dialogue avec Nuit :
«Pourquoi, il y a de ça plusieurs lunes, t’es-tu adressé à moi ? Est-ce la folie d’une solitude trop longtemps nourrie qui me fait divaguer ou l’esprit de la Nuit existe-t-il vraiment ?»
L’écho de ses paroles résonna quelques secondes dans l’étroite ruelle avant de s’éteindre comme une flamme en manque d’oxygène. Quand le silence fut revenu une réponse s’éleva jusqu’à lui, faible mais néanmoins perceptible :
«Je cherchai à savoir à qui appartenait toute cette lumière. Tu es peut-être éveillé Lanterne mais tu rêves et tes rêves m’illuminent comme les étoiles elles-mêmes n’en sont plus capables.»
Le garçon leva les yeux vers l’immensité au dessus de lui :
«Je ne me doutais pas que la nuit pouvait autant aimé la clarté.»
Lanterne était conscient qu’il passait les heures sombres à espérer, à espérer en secret un monde meilleur où il ne serait plus dos-au-mur mais prince et que son royaume s’étendrait à l’infini car il n’y aurait plus aucune frontière, plus aucun mur pour séparer les Hommes et instaurer des conditions ; juste des bras grands ouverts pour soutenir ses amis et l’humanité toute entière, comme des murs le feraient sans évoquer cependant dans les cœurs la crainte qu’ils ne s’effondrent et ne les ensevelissent.
L’enfant savait déjà tout ceci mais il ne comprenait pas pourquoi ses rêves plus que ceux des autres rayonnaient. Il n’eut toutefois pas besoin de poser sa question pour que Nuit la perçoive et lui explique :
«Tu n’es pas le seul à rêver, Lanterne, mais tu rêves différemment. Tous autour de toi aspirent au pouvoir, à la domination, à la vengeance… Ce sont pour la plupart des rêves égoïstes et personnels. Tandis que toi, petit, tu rêves d’amour.
Il y a très longtemps, à une époque où l’Humanité même n’était pas encore née, il y avait dans le ciel non pas une mais deux Lunes, l’une et l’autre d’une splendide clarté. Cependant un jour une guerre est apparue, la première, je ne me souviens même plus pourquoi. Le conflit a grandi, enflé, tout comme la haine dans le cœur des Hommes et lentement les souhaits d’union de paix et de fraternité se sont émiettés.
Celle que l’on nommait à cette époque Lautre s’est fragmentée, déchirée, brisée pour finalement exploser sous la pression des tensions…nous ne l’avons jamais revue, probablement est-elle morte.
Tu ne saisis surement pas toute l’étendue de ton talent mais sache, Lanterne, qu’un seul rêve de ton cœur suffit à dissiper l’effroi de quelques autres.»
Une nouvelle fois le silence revint sur la ville car il y a des vérités qui, une fois énoncées, semblent si lourdes de sens que toute autre phrase serait déplacée.
Seuls ces quelques mots pouvaient prétendre combler le gouffre qui s’était instauré : «Explique-moi.»
Alors, après un long soupir, obéissant à l’ordre ingénu d’un enfant, la nuit lui ouvrit son âme :
« J’ai peur petit, d’une frayeur infantile mais non pas stupide. J’ai peur du noir comme nul ne l’a jamais autant craint et dès que j’ouvre les yeux la terreur s’empare de moi, incontrôlable.
J’ai peur car je sais que c’est dans la pénombre que sont commis les meurtres, les larcins et que naissent les cauchemars.
J’ai peur car je suis la seule à entendre les rêves du monde, ces rêves noirs de haine. Pourquoi suis-je obligée de garder les yeux ouverts ? En réalité Lanterne ce n’est pas de l’obscurité des villes dont j’ai peur mais la noirceur des cœurs que je fuis. Je pense alors que tu peux t’imaginer combien ta lumière me réchauffe l’âme.»
L’enfant aurait voulu aider Nuit mais il ignorait comment faire. Cela aurait été se leurrer que de croire que l’on peut changer la nature des Hommes. La seule chose qui lui semblait être à sa portée était de remplir son cœur avec tout l’amour dont il disposait, l’affection qu’il avait pour celle qui lui procurait déjà depuis plusieurs mois une inestimable compagnie, mais aussi la tendresse qu’il ressentait pour tous ceux qui lui avait un jour accordé un peu de compassion et d’attention. Alors il lui suffirait de sourire, doucement, timidement, pour lui offrir son cœur.