L’ange et la princesse (3/4)
Salut,
Voici la troisième partie du conte. Je crois que je ne m’étais jamais autant exprimée dans un récit, j’y ai mis une telle part de moi même ! Parfois j’aimerai qu’il ne soit pas fini mais que je puisse encore l’écrire. En écrivant ce conte j’avais l’impression d’être un dieu, je pouvais choisir de la vie et de la mort de chaque être, décider de leur avenir. C’est grisant de volupté.
Sinon le bac blanc approche (le bac aussi donc !) et dans une semaine les inscriptions pour l’orientation seront finies. Je réalise à peine que l’année prochaine ma vie va être bouleversée ; toutefois je continuerai de poster sur Souffle Mots, où que j’aille !
J’espère que ce conte vous plaira et n’hésitez pas à critiquer !
Bye et bonne lecture.
L’ange et la princesse (1/4)
L’ange et la princesse (2/4)
L’ange et la princesse (4/4)
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L’ange et la princesse (3/4)
Ce qui se passa ensuite je n’en ai gardé que peu de souvenirs, des bribes surtout de conversation, des images. Je me souviens être retourné dans la boutique de jouets, je me souviens avoir vu l’ange déposer un nouveau monde sur une étagère au milieu de tant d’autres, je me souviens de ses mots : «On a tous peur de la vérité, on la fuit. On a tous peur de notre avenir, on voudrait pouvoir le contrôler. Alors je les cache aux yeux de tous et les protège. Chaque bulle renferme une vérité, chaque monde contient un avenir. Je ne suis qu’un gardien.»
J’étais assis au sol, buvant ses paroles, mon regard fixé sur lui tandis qu’il semblait plongé dans l’océan, un océan dont je ne percevais que l’écume.
«Tu as peur d’aimer, tu as peur d’aimer et de ne plus rien contrôler. Mais rassure-toi, si l’on juge des actes de quelqu’un, bien souvent avec maladresse, nul ne peut juger des sentiments. Ne craint pas de dire à quelqu’un que tu l’aimes, ne fuis pas cette vérité sinon un jour…»
Je me souviens avoir dansé au milieu des mondes. L’ange battait la mesure de ses petites mains et je tournoyais telle une tornade. Je me souviens d’avoir joué cette musique, frappant en cadence le parquet de mes pieds nus. Et soudain il s’était levé, il m’avait tendu ses mains et l’on avait dansé ensemble. Alors, réunis, nos corps ne formaient plus qu’une gigantesque sphère : l’instant d’une valse on partageait notre avenir.
Aujourd’hui encore lorsque je marche résonne notre fugue.
Essoufflé je m’étais assis, l’ange en face de moi. Il me semblait que nous avions dansé toute la nuit mais dehors l’obscurité n’était que plus dense et nulle lumière ne pointait à l’horizon.
Je pris une grande inspiration. Il faut oser parfois demander la vérité : «Où sommes-nous ? Vraiment…»
L’ange ne me regardait pas, égarement de l’esprit.
«Quelque part dans les sous-sols de la boutique.» Sa réponse était tellement lointaine, tellement évasive qu’il semblait ne plus appartenir à ce monde.
«Mais pourquoi alors avons-nous fait tant de détours ?
- La magie réside dans le mystère, dans l’inaccessible. Quelque chose d’inatteignable, si l’on s’en rend compte, devient beau.»
La première fois que j’y étais entré ce lieu n’était à mes yeux qu’une ruine sans intérêt. Désormais c’était un paradis. Je souris. Je connaissais la vérité.
Ceux qui ne croient pas en la magie c’est simplement qu’ils ne savent pas la reconnaître.
Quand je cours les cheveux dans le vent, quand les arbres me saluent, quand chaque jour je continue d’espérer, quand tu me souris…c’est magique.
Vers le point du jour j’ai quitté la boutique de jouet. Je n’aurais pas dû. J’ai quitté mon paradis pour descendre en enfer.
«Tu n’as pas d’avenir…pas d’avenir…pas d’avenir.» Je crispais le visage, je serrais les dents. C’était la récréation et j’attendais. J’attendais que passe le temps et qu’enfin je puisse revoir ma princesse. J’ai tenté de leur expliquer, de la leur décrire ; ils n’ont pas compris. On ne comprend pas la passion d’un être, on l’envisage, on l’admet, on l’observe. Ils s’en sont moqués.
«Chez nous on n’veut pas de personnes bizarres…bizarres…bizarres.»
Je tentais de me coller contre le mur, de disparaître aux yeux des autres. Je fuyais la vérité.
Cet après-midi quand je suis sorti des cours j’ai couru, j’ai couru à perdre haleine mais cette fois-ci je savais où j’allais.
Je ne pouvais plus le supporter, c’était trop lourd, trop dur. Ils n’avaient pas le droit de me blesser ainsi, ils n’avaient pas le droit de m’ôter tout espoir, d’éteindre la magie qui vivait en moi…
Ce soir là je ne saluai pas ma princesse. Arrivé près de la porte de la boutique de jouet j’arrachai un bout de bois, le même qui m’avait gravé dans le dos cette cicatrice. Je ne me souviens plus comment je l’ai décroché. Je me rappelle juste de cette haine qui me dominait, m’asservissait. Je ne l’avais pas senti naître en mon sein, petit bourgeon insignifiant. Mais ils l’avaient arrosé, l’avaient réchauffé. Ils avaient noyés la raison pour mieux incendier mon cœur. Je n’avais pas d’avenir alors que m’importait désormais que mes actes soient bons ou mauvais ?
Je n’avais pas d’avenir alors j’allais détruire le leur. J’allais détruire leur avenir…à tous.
Avais-je défoncé la porte, l’avais-je simplement poussée ou était-elle déjà ouverte ? Je ne saurai le dire. Tout à coup je m’étais retrouvé debout dans cette même pièce que j’avais quittée quelques heures plus tôt. Toutefois je n’étais plus le même.
Quand j’y repense parfois j’ai peur, peur que tout ne recommence. Était-ce juste de la haine ou autre chose…un peu d’amour ? J’aimai cet enfant, j’aimai l’automate mais je ne savais comment l’exprimer. Je n’osais dire la vérité. Et pour cette simple raison, pour elle, pour leur ricanement, leur mépris j’étais prêt à menacer un ange…mon ange.
Il pointa l’épée vers l’enfant. Silence. Sur la lame du sang séché. Lentement il brandit l’arme au dessus de sa tête. L’enfant souriait, confiant.
C’était comme si le temps avait stoppé sa course, plus rien ne bougeait et même les univers s’étaient figés. Quand la folie s’empare de nous plus rien n’a de sens. En face de l’ange un être humain tremblait. Il tremblait de peur, il tremblait d’amour.
Mais sa volonté semblait inébranlable. Ou est-ce qu’il ne savait plus comment faire marche arrière ?
L’épée fendit l’air, blessant à mort le silence.
L’épée fendit l’air et l’ange resta immobile.
Je l’avais souhaité, je l’avais désiré, je l’avais si ardemment convoité que c’était devenu réalité. Je ne savais pas que la réalité pouvait blesser. Je pleurais. Le morceau de bois avait glissé de mes mains tandis que je m’écroulais au sol. Qu’avais-je fait ? Étais-je désormais un meurtrier ? Et il y avait cette image qui revenait sans cesse comme une vérité placardée sur mes yeux, elle s’insinuait en moi. J’avais beau cacher mon visage entre mes mains ses griffes restaient profondément ancrées.
L’enfant, son sourire. L’épée, son cri…l’univers, cette bulle de savon.
Je m’étais cru le maître du monde, j’avais voulu jouer au Dieu alors que je n’étais qu’un cancre sans avenir, je m’étais octroyé le droit de décider du devenir des autres.
J’avais tué l’avenir de quelqu’un. Je l’avais vu éclater en milliers de fragments tandis que mon épée le transperçait de part en part. Était-ce cela mon avenir : détruire celui des autres ?
Je pleurais.
Tout à coup je sentis quelqu’un taper doucement sur mon épaule. Je levais les yeux. L’ange me tendait un parapluie. Mon parapluie.
«Prends le ; ça te seras utile, murmura-t-il ; il ne faudrait pas que d’autres mondes éclatent…»
Je souris puis agrippais la poignée recourbée du parapluie. «Merci de ton aide, petit chevalier.»
Et l’ange pardonna. Il ramassa les débris d’avenir puis s’assit à mes côtés. Je m’étais un peu calmé et dans la pièce la pluie avait cessé. Toutefois j’avais toujours ce poids sur la conscience comme un meurtre. J’ignorais à qui appartenait cet avenir mais quelque part sur Terre, par ma faute, un être se sentait vide et sans but. Soudain je me tournai vers mon ange :
«Apprends-moi à aimer ; à aimer en paix.»
Et l’ange accepta.
posted on mars 12th, 2011 at 20 h 52 min
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