Luciole (6°partie).
Salut !
Ce mardi on était en congé…quel bonheur ! En plus mes grands-parents étaient là !
Aujourd’hui je vous présente la sixième partie de Luciole, j’espère qu’elle vous plaira.
Bye et bonne lecture.
1- Première partie 6- Sixième partie
2- Deuxième partie 7- Septième partie
3- Troisième partie 8- Huitième partie
4- Quatrième partie 9- Neuvième partie
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Luciole
Les graviers roulent et s’entrechoquent. J’abandonne ma tâche pour dévaler l’escalier quatre à quatre.
Je n’ai pas l’oreille assez fine pour savoir si c’est le vélo de Lucie ou de Mika mais j’espère au fond que c’est celui du petit.
Je ne prends pas le temps de passer un imperméable et déboule hors du phare.
Mon coeur bat vite. Je cours. Mika…dis moi que c’est toi…
Je dérape sur le sol, me rattrape au mur et tourne à l’angle du hangar.
C’est Lucie.
De ses douces lèvres j’ai tout oublié, je ne pense plus qu’au petit. C’est étrange comment le coeur fonctionne.
« Alors ? »
Ses yeux me fixent.
« Il est à l’hôpital. »
Je me retiens au guidon du vélo.
« Ce n’est pas très grave. Il a le nez ainsi deux côtes cassées. »
Je n’arrive pas à parler, ma bouche est sèche. Que dire ? Lucie m’emmène dans le salon et je m’assois.
« Sa mère assure qu’il est tombé de bicyclette mais les docteurs sont septiques. »
Elle se lève et va me chercher un verre d’eau.
« Non. » Elle se retourne.
« Il n’est pas tombé de vélo. C’est sa mère. » C’est à son tour d’être surprise.
« Tu veux dire que c’est elle qui lui a fait ça ? » J’ acquiesce.
Elle s’assied en face de moi.
« Je ne te l’ai pas dit mais tous les week ends il a de nouveaux bleus et des griffures. Le soir où je l’ai trouvé tu te souviens, il était blessé. En vérité je crois qu’il fuyait sa mère. »
J’ai la voix qui tremble et je lutte pour ne pas pleurer. C’est horrible de se sentir impuissant.
« Tu devrais aller leur dire ce que tu sais et passer voir Mika, je suis sûre qu’il serait ravi. »
Je secoue la tête.
« Jamais je n’irai au village. » Ma voix est ferme.
Tout à coup Lucie se lève d’un bond :
« Mais arrête ! Arrête d’avoir peur ! »
Elle crie. Lucie crie ! Mais Lucie ne s’est jamais énervée…
« Tu ne vas pas passer ta vie enfermé dans un phare ! Tu ne fais qu’alimenter ta phobie. Oui Erwan, ce n’est qu’une phobie ! C’est ton esprit qui l’invente. Avant tu allais au village, tu osais ! Désormais tu t’enfermes dans ta bulle. Erwan, la peur ne mène à rien ! » J’ai les yeux grands ouverts et je suis enfoncé dans le fauteuil. Lucie est debout et me fixe. L’océan entier pèse sur moi.
Soudain toute colère disparaît et la tempête s’apaise. Je retrouve alors le visage qui m’est si familier.
« Je suis désolée…je ne sais pas ce qui m’a pris. Je tiens à toi et ce n’est pas en vivant reclus que tu seras heureux. »
Il y a des dizaines de réponses qui s’offrent à moi tel « Qu’importe les autres, c’est toi que j’aime. » ou « Vivre seul ne me gène pas si tu es près de moi. ». Cela serait si simple ! Pourtant je réponds tout autre chose :
« Je sais… » Et dans moins d’une minute je vais regretter cette réponse, c’est toujours comme ça.
Imaginez deux continents, la solitude et l’amour, et séparez les par un gouffre, le courage.
Il suffit de sauter certains disent. Mais ils oublient le « et si ». Et si je chute ? Rien que l’idée de tomber m’effraie. Alors je préfère les illusions c’est plus facile.
« Tu as raison je ne suis qu’un peureux. » Voilà ce que l’on obtient lorsque l’on pense trop : on se met à parler à voix haute.
« Peut-être…mais tu n’es pas le seul. »
Je relève la tête et la fixe étonné.
« Cela ne se voit pas, mais depuis que je suis petite j’ai peur. »
Elle a le regard baissé et tourne dans sa main un collier.
« Tu n’es pas obligé de dire.
- Si. J’ai dénoncer ta phobie, je l’ai pointé en te disant de t’améliorer alors que je n’ai pas encore surmonté la mienne. Je veux me faire pardonner.
- Mais tu peux… »
Son regard vif me dissuada de poursuivre. Elle sourit.
« Je suis née dans une famille aisée et jusqu’à l’âge de neuf ans j’ai connu le confort et le bonheur. Mes parents étaient divorcés et depuis deux ans je vivais avec mon père. Il s’était remis avec une femme mais cela ne me gênait pas car je la voyait très peu.
Tous les soirs ils rentraient à la maison avec de la nourriture à profusion et des sacs entiers d’achats puis ressortaient sans plus attendre, probablement pour aller au casino ou au restaurant.
Mais un jour Papa est rentré seul, sans rien. « On déménage demain ma chérie. » m’a-t-il dit.
A l’époque je ne savais pas mais plus tard j’ai compris que cette femme l’avait manipulé puis l’avait escroqué. Elle l’avait convaincu d’entrer dans un commerce illégal dirigé par un membre de sa famille et il a tout perdu. Quand son patron a appris l’affaire il l’a viré.
Il s’est alors retrouvé au chômage avec une gamine sur les bras et on a dû quitter la ville pour emménager dans un H.L.M car il était endetté et avait été obligé de vendre notre maison.
J’ai perdu mes amis, et mes repères.
Rapidement mon père a retrouvé du travail mais ce n’était pas assez pour qu’on puisse vivre comme avant.
Il essayait d’économiser pour nous sortir de ce pétrin et je le voyais à table se priver pour satisfaire l’appétit de l’adolescente que j’étais.
Un jour, ma mère trouvant sa situation trop précaire m’a prise avec elle.
Je retrouvais le confort mais je perdais mon père.
Et tout cela à cause de cette femme… » Il y avait de la haine dans sa voix.
« Depuis j’ai peur d’être un jour au chômage et que l’enfer recommence.
Quand j’ai terminé mes études et que j’ai commencé à chercher un travail je me suis jurée de ne pas reproduire l’erreur faite par mon père : mélanger vie privée et vie professionnelle. »
Lucie ferme les yeux, elle semble fatiguée, vide.
« J’ignorais que tu avais peur. »
Des dizaines de réponses s’offrent surement à elle, pourtant c’est celle-ci qu’elle choisit :
« Je sais… »
Depuis ma fameuse discussion avec Lucie deux mois se sont écoulés. Je ne suis pas allé au village mais Lucie me tient au courant de la situation.
Nous n’avons plus reparlé de ma phobie ni de son passé, et c’est mieux ainsi.
Mika est sortit de l’hôpital depuis plusieurs semaines déjà et il se repose chez lui. Lucie n’a pas donné la véritable raison de l’accident n’ayant aucune preuve et parce qu’elle pense que la mère aurait ensuite refusé qu’elle voie son enfant.
D’après Lucie Mikaël ne parle toujours pas, mais elle sait qu’il m’appelle car quand elle est près de lui il tend son index vers la mer à travers la fenêtre de sa chambre.
Pour les médecins son mutisme reste incompréhensible, normal, ils ne le connaissent pas. Mais je connais Mika et je sais pourquoi il se tait : il a peur.
Moi, je me cache pour échapper à la foule, Lucie se renferme sur elle-même ne voulant pas reproduire l’erreur de son père et Mikaël refuse de parler à cause de sa mère.
Plus il parle plus sa mère s’énerve et plus elle le bat. Alors il se tait.
J’en ai discuté avec Lucie. Elle dit qu’il faut attendre, qu’un jour il finira pas surmonter sa peur. Pourtant j’ai trente quatre ans et je panique encore lorsque je me retrouve au milieu de la foule. Alors comment un enfant de six ans voyant tous les jours sa mère pourrait réussir ? Je l’ignore.
Demain Mika reprend les cours mais il n’ira pas à l’école.
Il n’y a pas longtemps Lucie m’a dit cette phrase : « Si on ne fait rien, un jour sa mère le tuera. »
Alors j’ai pris ma décision. Lucie n’en sait rien mais bientôt elle saura, car demain je kidnappe Mikaël.
Je suis assis à mon bureau, une feuille blanche devant moi, un stylo à la main. Des centaines de fois j’ai voulu dire la vérité à Lucie mais je n’y suis jamais arrivé. Je me dis qu’à l’écrit peut-être y parviendrai-je.
Je commence donc ma lettre.
« Chère Lucie… »
Non. Je la roule en boule, la jette par terre et prends une autre feuille. C’est dur. Je réfléchis à toutes les formules possibles mais une seule semble pouvoir me convenir :
« Luciole… »
posted on janvier 31st, 2009 at 8 h 49 min
posted on février 1st, 2009 at 9 h 59 min
posted on février 2nd, 2009 at 21 h 47 min
posted on février 13th, 2009 at 16 h 06 min