Sur le feu des projecteurs.
Salut !
Enfin, tous mes diplomes sont terminés ! Avec le B1 d’allemand et d’anglais j’ai eu ma dose d’examen même si le plus dur arrivera seulement l’année prochaine…
Je vous présente aujourd’hui une nouvelle que j’ai écrite un peu avant les vacances de Noël, je sais cela fait un bout de temps…
Pour ce récit, le titre s’est d’abord imposé à moi et ensuite seulement j’ai tenté d’y trouvé une histoire. Elle est assez courte comme nouvelle mais ce n’est pas la petite de toutes celles que j’a écrite, la dernière ne faisant même pas une page !
Je vous laisse lire et j’espère que cela vous plaira.
Bye et bonne lecture.
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Sur le feu des projecteurs.
La nuit était tombée depuis longtemps mais je me croyais encore en plein jour. Il y avait tout autour du champ réquisitionné pour l’évènement des centaines de tentes baignées de la lumière des immenses projecteurs et la tension était palpable dans l’air.
J’étais arrivé sur place la veille et m’étais levé au aurore pour n’obtenir au final qu’une position très médiocre à plusieurs dizaines de mètres de l’estrade.
A mes côtés je distinguais aussi bien mes collègues et amis partisans de la littérature du passé que des défenseurs de la littérature du présent et même des dirigeants de celle du futur.
C’était surement la première fois que je voyais ces trois camps réunis dans la plus profonde sérénité où nul n’avait besoin d’attaquer les idées du parti adverse.
Pour la première fois j’avais l’impression que les différents visages de l’humanité rassemblés en ce lieu ne formaient plus qu’un avec moi.
Munis d’un cahier et d’un stylo nous attendions le messie.
Alors, lentement, les lumières situées aux quatre coins de la scène convergèrent vers le fond de l’estrade en même temps que nos regards avides.
Des frissons, des murmures parcoururent la foule tandis que je me balançais d’un pied sur l’autre pour contenir mon excitation.
Lorsque les projecteurs s’immobilisèrent le silence s’installa brusquement et illuminé de toute part il apparut; l’enfant.
De loin je le distinguais mal. Il tenait entre ces mains une feuille de papier et s’avançait vers le micro d’une démarche hésitante.
J’entendais chacun de ses pas sur le bois grinçant de l’estrade et retenais ma respiration pour ne pas briser l’enchantement. Quand il fut parvenu devant la scène il donna deux coups précis sur le micro qui grésilla.
« Bonsoir. »
Alors toutes les plumes se jetèrent sur le papier pour écrire ce simple mot atemporel.
Article de presse paru dans la revue: « Au jour d’aujourd’hui » :
« Chers lecteurs et électeurs le grand gagnant du concours « Auteurs en devenir » se nomme Cristopher Janist et, âgé à peine de neuf ans, c’est de loin le plus jeune détenteur de ce prestigieux titre.
Incontestablement c’est un vrai miracle pour son poème d’avoir séduit à l’unanimité un jury composé de vingt professeurs de lettres et de deux auteurs alors que l’âge des participants atteint les 17 ans.
« Les mots coulent, ruissellent; ils me frôlent, m’emportent…Je ne suis plus sur ma chaise, ils ne sont plus sur la feuille : je suis en eux et ils sont en moi. » Tel est le témoignage d’un des membres du jury , complètement bouleversé après la lecture de ce qu’il qualifie désormais « d’oeuvre littéraire à part entière. ».
Son poème publié sur internet par le directeur du concours reçoit par jour plus de trente milles visites et, face à son succès grandissant, les maisons d’édition se l’arrachent à prix d’or tandis que sa traduction existe déjà en trois langues différentes.
Pourtant ce prodige de la littérature n’appartient pas à une haute famille bourgeoise très cultivée, au contraire, ses parents qui n’hésitent pas à l’avouer s’inquiètent chaque mois de ne pas pouvoir payer leur modeste loyer.
Mais il est désormais certain que le talent de leur enfant va bientôt mettre un terme à leurs problèmes financiers en enflammant sa carrière. »
Demain jamais plus il n’écrira au présent, jamais plus il n’écrira au passé. Demain il écrira au futur. Cet enfant rapportera gros, j’en mettrai ma main au feu, et je ne laisserai pas ces partisans de bas-étages de la littérature du passé ou de la littérature du présent me devancer.
Dans quelques minutes mes hommes de mains me téléphoneront. Ils seront alors dans la voiture avec lui en direction de mon bureau et il suffira de lui parler pour le convaincre de signer l’accord. Je le manipulerai, je lui promettrai tout ce dont il aura envie et alors il ne sera plus qu’un enfant dont je pourrai m’approprier le talent….l’argent.
Pour les parents se sera encore plus facile, pauvres et probablement endettés ils ne pourront pas refuser; je les achèterai.
Et ils ignoreront que rien ne pourra détruire ces contrats, que rien ne pourra les réduire en cendre.
Tu es là au bord de l’estrade et tu ne sais plus que dire, tu ne sais plus que faire.
Toute cette lumière sur toi t’éblouit et ton esprit n’est qu’un vaste marécage de pensées embourbées.
Qui sont ces étranges partis qui veulent te manipuler, abuser de ce que tu es ? Ils ne s’expriment que dans un unique temps et ne voyent que par un seul fragment de la littérature.
Tu es le seul à les voir se rapprocher, à murmurer à des boites métalliques. Tu ne les entends pas mais tu sais qu’ils t’épient. Tu sais qu’ils vont vouloir te prendre et t’asservir à leur manière d’écrire où chaque mot n’est qu’une prison et non une immense plaine sur laquelle tu aimes tant gambader à loisir.
Tu as peur.
Une seule phrase, un seul verbe et ton destin sera cellé. Du présent ? Alors le passé et le futur se ligueront contre toi. Du passé ? Soit, mais tu seras ignoré des deux tiers de la population. Du futur ? Là ce n’est plus simplement un parti littéraire mais aussi politique que tu choisirai. Ce n’est même plus décider de ta cellule de prison mais de ton mode d’excution. Guillotine ou chaise électrique ?
Lentement les barreaux se ressèrent et tu ne peux plus t’échapper. La scène devient une cage et toi un animal de foire que tous regardent ébahis.
Mais on a toujours le choix et tu as fait ton choix.
Tu poses le micro au sol, tout doucement pour ne pas faire de bruit. Tu ne veux pas qu’ils s’approprient ton talent, qu’ils l’encerrent dans leurs mains pour le broyer plus aisément. Tu pourrais le leur dire mais ils n’écouteraient pas : ce sont des adultes et tu es un enfant.
Tu t’avances vers l’extrémité de la scène. Tu es un enfant et les enfants n’écoutent que leur coeur.
Tu as un coeur, encore maladroit, instable, il n’est pas comme celui des adultes : il n’écoute pas la raison.
Tu sais qu’il n’ y a qu’un moyen pour les empêcher de ligoter et d’enfermer dans une étroite boite ce qui coule en toi; cet amour des mots.
Ils se regardent à moitié étonnés à moitié effrayés. Tu voudrais leur sourire pour montrer que tu es plus fort qu’eux mais tu n’y arrives pas. Tu pleures.
Tu soulèves la manche de ta chemise.
Ils ne te voleront pas ce qui t’appartient. Non. Cela restera en toi.
Tu poses ta main, paûme ouverte, sur la lampe brûlante de l’immense projecteur.
Tu serres les dents. Tu pinces tes lèvres.
C’est si douloureux de ne plus pouvoir écrire.
posted on avril 1st, 2009 at 19 h 07 min
posted on avril 2nd, 2009 at 21 h 00 min
posted on avril 20th, 2009 at 15 h 24 min
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