Souffle Mots

Voyage en Irlande

8th mai 2011

Voyage en Irlande

Salut !

Une nouvelle catégorie vient d’être ouverte : Voyage en Irlande.

Elle sera courte mais j’espère qu’elle vous plaira.

Je vous présente alors la lettre ouverte qui m’a permis de partir en Irlande. Lorsque j’ai participé au concours je ne savais pas encore quel était le prix à la clé, personne ne le savait en fait. Vous pouvez vous doutez qu’il n’était pas nécessaire qu’il y eut un prix pour m’inciter à le faire.

Mais quel était le prix !! Un voyage en Irlande trois jours en délégation officielle avec S.A.S le Prince Albert II lors de sa visite d’état !

Nous avons été 18 jeunes de la Principauté à avoir la chance et l’honneur de partir là bas dans le but de faire une représentation devant le Prince, Charlène Wittstock, la Présidente d’Irlande et d’autres invités.

Vous pouvez vous douter combien nous étions stressé ! Certains de l’académie de musique  ont joués des morceaux traditionnels à la harpe, piano, flute…accompagné par un chant d’opéra, d’autres ont présenté des diaporama sur la littérature ou la peinture irlandaise tandis que cinq élèves dont moi même avons lu des extraits de nos lettres ouvertes.

Mais après le stress passé j’avais presque envie de retourner sur scène et de ressentir de nouveau l’adrénaline. Le soir nous étions au buffet organisé juste après la représentation.

Si vous avez des questions sur ce voyage et son déroulement, n’hésitez pas !

Lettre ouverte (français)

Lettre ouverte (anglais)

posted in Lettres | 5 Comments

22nd avril 2011

En Vie

Salut !

Je vous présente aujourd’hui un poème écrit vers Janvier ou Février, j’aime beaucoup cette forme vous aurez pu le remarquer.

Je vous parlerai de l’Irlande plus tard, quand j’aurai un peu plus de confort et un moyen de transférer mes photos.

Qu’en pensez vous ?

Bye et bonne lecture.

_________________________________

En Vie

Envie de tout détruire à coup de passion,
De blesser, de nuire par simple déception
D’infliger la douleur déformant mon visage
D’épancher la rancœur en déversant ma rage.
Contusion.

Envie illicite de caresser une âme
Descente interdite dans le cœur d’une femme,
D’effleurer une main avant qu’on s’en empare
D’éclipser l’inhumain flottant sur vos regards
Simple écart.

Envie de consumer, de replier mon être
Dans la nuit m’abimer pour enfin disparaître.
Quand afflue la marée dans nos yeux fuyants,
Lunes. Comment percer les étoiles d’océan ?
Tremblements.

Envie de posséder comme les démiurges
D’enchainer au papier les folies que l’on purge,
De perdre haleine d’avoir trop éprouver
Seule sur la scène j’ai des rêves à sauver.
Je m’insurge.

posted in Poèmes | 10 Comments

2nd avril 2011

Passion

Salut !

Récemment j’ai participé à un concours d’écriture où il fallait écrire une lettre ouverte à Oscar Wilde…et j’ai gagné ! C’est pourquoi cette semaine prochaine je pars 3 jours en Irlande ! Je vous en parlerai plus longuement dans les posts suivants.

Sinon je vous montre aujourd’hui un poème écrit il y a quelques mois. Qu’en pensez-vous ?

Bye et bonne lecture.

_______________________

Passion

Sais-tu combien de fois j’ai caché les soupirs,
Tremblements d’une voix qui s’enfuit sans mot dire,
Quand retombe l’espoir, que l’océan s’élève,
Et noie l’illusoire, l’insaisissable rêve
De toujours ?

Sais-tu combien de fois j’ai étouffé les cris
D’une plume en émoi qui chaque jour écrit
Les émotions nues, cachées sur une feuille
Mais jamais n’atténue la douleur de l’écueil,
Abcès d’encre ?

Sais-tu combien de fois j’ai recouvert la honte
Sous un masque de soie que la raison n’affronte ?
Fuyant les reproches, effrayée des questions
Les larmes s’approchent, entament l’ascension
Du regard.

Sais-tu combien de fois mon cœur t’a poursuivi ?
Que veux-tu donc de moi ! Tu joues de mes envies
Tu asphyxies, Passion ; tu enserres la vie.
Furtive rébellion, cependant n’asservit
Le poète.

J’ai oublié de compter, je n’ai fait que rêver.
J’ai oublié de compter, ton fardeau m’obsédait
Mais je me souviendrai de ces tendres sourires,
Je me souviendrai des éclats de nos rires
Tous les jours.

dd

posted in Poèmes | 5 Comments

19th mars 2011

L’ange et la princesse (4/4)

Salut !

Je vous présente aujourd’hui le dernier volet de ce conte.

La semaine prochaine je déménage deux rues plus haut alors vu que je ne sais pas trop quand je récupèrerai une connexion internet, il est probable que les dates de post soient un peu décalées. En tout cas n’hésitez pas à me dire ce que vous pensez de la fin du conte, je pourrais toujours lire vos commentaires assez facilement du lycée !

Bye et bonne lecture.

L’ange et la princesse (1/4)
L’ange et la princesse (2/4)
L’ange et la princesse (3/4)

_______________________

L’ange et la princesse (4/4)

Ceux qui haïssent quelqu’un c’est simplement qu’ils ne savent pas comment l’aimer. On peut aimer sensuellement, on peut aimer spirituellement…et un jour on aime passionnément. La première fois que je l’ai aperçue mes yeux ont caressé son corps, frisson de l’âme effleurant l’esprit. C’est à notre insu que naît la passion…alors ne m’en veux pas si je t’aime…

L’ange marchait, le Soleil entre ses mains. Il traversa la pièce et je le suivis. Est-ce cela aimer quelqu’un, être capable de lui faire confiance, de fermer les yeux et d’avancer dans le noir sur ses pas, de descendre jusque dans les tréfonds de notre âme ?
Malgré la bougie la pièce semblait obscure et comme sur ses gardes, animée par la volonté de protéger un secret dont chaque foulée me rapprochait.
Je n’avais pas oublié cette mystérieuse pièce interdite, cette forme inconnue…la vérité me hantait.
Tout à coup la porte pivota et je fus happé par ton regard. Tu ne dis rien, pas un mot. Nul mouvement, nul battement de cil ne t’anima. Tu me souriais de ton sourire figé, statique, paralysé…un sourire d’automate.

C’était elle. Elle que j’aimais depuis le premier jour, elle qui m’écoutait chaque soir, elle qui mettait un peu de douceur et de magie dans ma vie…
Toutefois lorsque je m’approchai le doute se dessina sur mon visage. Ses bras étaient trop longs, trop rigides, son buste n’était qu’un large rectangle, sa jupe n’avait aucun pli et malgré son sourire son visage n’avait rien d’humain, une sphère. Étonné et dans l’incompréhension la plus complète je me tournai vers l’ange. Dans ses mains il tenait un ciseau à bois.
«Offre-moi un peu de ton âme, Prince, je me sens vide.» J’étais un cancre, la risée de mon école, la honte de mes parents. Pourtant cette nuit je fus Prince et une gouge à la main je bâtis mon empire.

Je travaillais toute la nuit et le jour d’après sans me soucier ni de la fatigue ni de la faim. Pour la première fois de ma vie je me sentis utile. Minutieusement je frappais le bois et y appliquais de légères pressions à tel ou tel endroit. Je caressais ma princesse pour y imprimer les formes de mon affection, les traces de ma dévotion ; je l’habillais d’une splendide jupe plissée ; je tressais ses cheveux, lui dessinais de courtes nattes bouclées ; je bombais ses pommettes d’un tendre effleurement ; je taillais dans le bois mon amour.
Durant tout ce temps l’ange resta à mes côtés et ce n’est que lorsque j’eus terminé qu’il me dit ce mot, ce simple mot venant du cœur : «Merci».
Et s’il n’y avait pas eu ce toit au dessus de la boutique de jouet je crois que je me serais envolé.

L’espoir se dressait devant moi, façonné par mes propres mains. Enfin je pouvais contempler le résultat de mon travail. Quelle étrange émotion que celle qui s’emparait de mon être ce soir là. Je me redressai, levai la tête, bombai le torse et regardai droit devant. J’étais fier, non pas de qui j’étais car leurs sarcasmes étaient trop profondément ancrés en moi pour les oublier, mais de qui elle était, elle que j’avais créé, que j’avais fait naître du néant. J’étais fier de ma princesse et j’eus souhaité lui offrir le plus bel avenir qui existait. Mais comment donner un avenir à la personne que l’on aime lorsque soit même on n’en possède aucun ?
Quand je demandai conseil à l’ange et requérai son aide il me sourit et m’invita à s’asseoir près de lui. Ce soir j’aimais en paix…et il le ressentait.

Les légendes sont toujours fragmentaires, partielles. Elles modifient la vérité et en dissimulent une partie. Personne ne soupçonnait que les propriétaires de la boutique de jouet euent pu avoir un enfant. Personne ne savait que les femmes pouvaient accoucher d’anges. Alors comment aurais-je pu me douter que mon ange n’était pas tomber du ciel ?

«Toutes les princesses se fanent un jour…même la nôtre. Chaque soir je le vois elle peine un peu plus à me confectionner un morceau d’avenir. Je n’aime pas la voir se démener ainsi, se fatiguer. Alors je m’étais mis en tête de fabriquer un nouvel automate avec en son cœur tout autant de magie.
J’ai compris récemment qu’à chaque être auquel on tient on lui offre un morceau de son avenir pour qu’il puisse s’il le souhaite, bouleverser notre vie. Moi, j’ai fait don il y a longtemps de mon avenir à la Princesse. Désormais je suis vide, vide de tout avenir car je vis au travers de la princesse. Mais toi tu as de l’avenir, un bel avenir. Tu as peut être détruit un avenir hier soir toutefois je sais que tu es capable de créer des centaines, des milliers d’avenirs !
Insuffle l’avenir à cet automate que tu as fait naître. Y a t-il plus bel avenir que celui d’en offrir un aux autres ? Je sais que tu y parviendras. J’ai confiance.»
Et il avait un étrange sourire que je ne lui avais encore jamais vu, de celui qui dit : «Nous partageons le même secret», de ces sourires mystérieux auxquels on reconnait nos amis.

Tout à coup l’ange me prit la main. «Suis moi Prince ! » On a couru, on a couru tellement vite au travers de la boutique de jouet que parfois mes pieds ne touchaient plus le sol. Autour les bulles multicolores virevoltaient et me faisaient perdre tout sens de l’orientation. Si l’ange ne m’avait pas retenu probablement que je serais tombé au sol.
«Attends…
Non ! »
C’est étrange de recevoir un ordre d’un chérubin. C’est comme tomber du ciel…Soudain il s’arrêta. Nous étions en face de toi, mon automate.

Je t’avais donné la vie, je t’avais confié tous mes espoirs, j’avais déposé en ton cœur une part de moi même et il était temps désormais que je partage avec toi mon avenir.
«Tu as commis une erreur, déclama l’ange ; répare-la.» Un moment je restai immobile à me demander comment je pourrais m’y prendre.
«Mais personne ne m’a jamais dit comment créer l’avenir, expliquai-je.»
L’enfant m’indiqua l’automate d’un signe de la tête. «Elle, elle le sait. Sans le savoir tu lui as appris.»
Toute notre vie on ne fait que reproduire les gestes, les mouvements, les paroles de nos aïeuls, de ceux qui nous entourent, nos amis, notre famille…mais au moins on y met notre cœur.
Je jetai un regard à mon ange. Dans ses mains il y avait une boîte à chaussures. Ne serait-ce qu’une fois dans notre vie on agit aux yeux des autres de façon irraisonnée. Alors ne me demandez pas pourquoi ce soir-là je saisis la boîte à chaussures.

«Princesse, offre moi un peu de ton âme, je me sens vide.»
Ce n’est d’abord que frémissement de la peau, battement de sourcils. On voit un mouvement infime et on pense l’avoir juste rêver. Puis les commissures des lèvres se redressent lentement, les yeux s’illuminent et c’est tout un corps qui s’anime. Combien de fois avais-je assisté à ce rituel ? Dix, vingt, trente fois ? Ce soir ce fut comme si rien ne c’était jamais passé, comme si j’étais revenu à cette nuit où j’avais rencontré la princesse pour la première fois. Cependant cette fois-ci je n’observais pas ; je vivais.
Tandis que l’automate s’appliquait telle une araignée à tisser la toile d’un avenir j’élevai au dessus de moi la boite à chaussure. Ce n’est que lorsque la bulle de savon se fut envolée, quittant le doux nid des mains de la princesse, que je compris la raison d’être de tout ceci.
Ce fut comme une illumination, un éclair dans la nuit de l’ignorance. J’avais mon rôle à jouer dans ce monde. Certains ne me croiront pas, d’autres me prendront pour un fou mais qu’importe car désormais je savais pourquoi j’étais là-bas, cette nuit.
Je lâchai la boite à chaussures. Doucement, inévitablement, la bulle descendit vers le sol. L’ange avait ouvert de grands yeux effrayés : «Que fais-tu ?»
Et l’univers continuait de tomber, chute inéluctable tandis que la crainte de l’enfant grandissait. Les anges aussi peuvent douter.
Quand le monde fut enfin à ma portée je pris une grande inspiration, me tournai vers le chérubin et soufflai. La bulle de savon fut propulsée à travers la pièce, comète multicolore.
Pour la première fois j’eus en face de moi non plus un ange mais un être humain. Son visage n’était plus celui confiant et souriant qui s’était opposé à ma haine une nuit. Il y avait sur ses traits de la peur, de l’incompréhension, de l’étonnement, un refus dissimulant une terrible envie, l’envie de dire «oui». Puis il y eut un sourire, de la reconnaissance et, si je ne m’abuse, une étincelle d’amour.
Les anges sont humains.

L’avenir percuta l’enfant et la bulle éclata. L’avenir percuta l’enfant mais chaque gouttelette s’accrocha à lui. C’était comme une pluie de lumière…des larmes d’anges.
Et je frappais dans mes mains au rythme de la fugue. Je tournais autour du chérubin : «Tu as un avenir ! »
Soudain l’ange se mit à rigoler. C’était si doux, si mélodieux. J’aurais voulu qu’il rie toute ma vie.

Si les anges sont fait pour veiller sur les Hommes, qui donc prendra soin d’eux ?

Les mois avaient passé, les années s’étaient écoulées. On avait grandi. Depuis quelques semaines tous les soirs un léger voile de neige recouvrait la ruelle de mon enfance tandis que les chérubins l’emplissaient de leur rire. L’ange et moi nous avions repris la boutique de jouet, on l’avait retapé, dépoussiéré avant de la peindre de magie. Et dehors, encastrés dans la roche, il n’y avait plus un automate mais deux. Deux princesses qui faisaient la joie des enfants.
Une légende raconte que de notre vie nous n’avons plus jamais quitté le magasin.
«Entre ces murs nous faisons bien plus que vendre de simples jouets, disait mon ami ; on fabrique.
Que fabriquez-vous ?» Demandaient les curieux.
Alors toujours à ses côtés je répondais avec un clin d’œil : «Les anges ne sont que des enfants à protéger. Nous en sommes leur chevalier.»
Devant la boutique une foule s’était amassée. Ils levaient des yeux ébahis tandis qu’un murmure se répandait. «Regardez ! »
Les princesses avaient joint leurs mains d’un commun accord. Dans chaque adulte il y a une part d’enfant, une part d’ange. Au dessus de nos têtes des milliers de bulles de savon virevoltaient, des milliers d’avenir resplendissaient.
«Soufflez les enfants, soufflez ! Ne laissez pas les mondes éclater…»
Alors dans la ruelle naquit un souffle d’espoir tandis que se levait un vent d’avenir. Les anges riaient et vous riiez avec eux, Princesses.

posted in Contes | 9 Comments

2nd mars 2011

L’ange et la princesse (3/4)

Salut,

Voici la troisième partie du conte. Je crois que je ne m’étais jamais autant exprimée dans un récit, j’y ai mis une telle part de moi même ! Parfois j’aimerai qu’il ne soit pas fini mais que je puisse encore l’écrire. En écrivant ce conte j’avais l’impression d’être un dieu, je pouvais choisir de la vie et de la mort de chaque être, décider de leur avenir. C’est grisant de volupté.

Sinon le bac blanc approche (le bac aussi donc !)  et dans une semaine les inscriptions pour l’orientation seront finies. Je réalise à peine que l’année prochaine ma vie va être bouleversée ; toutefois je continuerai de poster sur Souffle Mots, où que j’aille !

J’espère que ce conte vous plaira et n’hésitez pas à critiquer !

Bye et bonne lecture.

L’ange et la princesse (1/4)
L’ange et la princesse (2/4)
L’ange et la princesse (4/4)

___________________________________

L’ange et la princesse (3/4)


Ce qui se passa ensuite je n’en ai gardé que peu de souvenirs, des bribes surtout de conversation, des images. Je me souviens être retourné dans la boutique de jouets, je me souviens avoir vu l’ange déposer un nouveau monde sur une étagère au milieu de tant d’autres, je me souviens de ses mots : «On a tous peur de la vérité, on la fuit. On a tous peur de notre avenir, on voudrait pouvoir le contrôler. Alors je les cache aux yeux de tous et les protège. Chaque bulle renferme une vérité, chaque monde contient un avenir. Je ne suis qu’un gardien.»
J’étais assis au sol, buvant ses paroles, mon regard fixé sur lui tandis qu’il semblait plongé dans l’océan, un océan dont je ne percevais que l’écume.
«Tu as peur d’aimer, tu as peur d’aimer et de ne plus rien contrôler. Mais rassure-toi, si l’on juge des actes de quelqu’un, bien souvent avec maladresse, nul ne peut juger des sentiments. Ne craint pas de dire à quelqu’un que tu l’aimes, ne fuis pas cette vérité sinon un jour…»
Je me souviens avoir dansé au milieu des mondes. L’ange battait la mesure de ses petites mains et je tournoyais telle une tornade. Je me souviens d’avoir joué cette musique, frappant en cadence le parquet de mes pieds nus. Et soudain il s’était levé, il m’avait tendu ses mains et l’on avait dansé ensemble. Alors, réunis, nos corps ne formaient plus qu’une gigantesque sphère : l’instant d’une valse on partageait notre avenir.
Aujourd’hui encore lorsque je marche résonne notre fugue.

Essoufflé je m’étais assis, l’ange en face de moi. Il me semblait que nous avions dansé toute la nuit mais dehors l’obscurité n’était que plus dense et nulle lumière ne pointait à l’horizon.
Je pris une grande inspiration. Il faut oser parfois demander la vérité : «Où sommes-nous ? Vraiment…»
L’ange ne me regardait pas, égarement de l’esprit.
«Quelque part dans les sous-sols de la boutique.» Sa réponse était tellement lointaine, tellement évasive qu’il semblait ne plus appartenir à ce monde.
«Mais pourquoi alors avons-nous fait tant de détours ?
- La magie réside dans le mystère, dans l’inaccessible. Quelque chose d’inatteignable, si l’on s’en rend compte, devient beau.»
La première fois que j’y étais entré ce lieu n’était à mes yeux qu’une ruine sans intérêt. Désormais c’était un paradis. Je souris. Je connaissais la vérité.

Ceux qui ne croient pas en la magie c’est simplement qu’ils ne savent pas la reconnaître.
Quand je cours les cheveux dans le vent, quand les arbres me saluent, quand chaque jour je continue d’espérer, quand tu me souris…c’est magique.

Vers le point du jour j’ai quitté la boutique de jouet. Je n’aurais pas dû. J’ai quitté mon paradis pour descendre en enfer.
«Tu n’as pas d’avenir…pas d’avenir…pas d’avenir.» Je crispais le visage, je serrais les dents. C’était la récréation et j’attendais. J’attendais que passe le temps et qu’enfin je puisse revoir ma princesse. J’ai tenté de leur expliquer, de la leur décrire ; ils n’ont pas compris. On ne comprend pas la passion d’un être, on l’envisage, on l’admet, on l’observe. Ils s’en sont moqués.
«Chez nous on n’veut pas de personnes bizarres…bizarres…bizarres.»
Je tentais de me coller contre le mur, de disparaître aux yeux des autres. Je fuyais la vérité.

Cet après-midi quand je suis sorti des cours j’ai couru, j’ai couru à perdre haleine mais cette fois-ci je savais où j’allais.
Je ne pouvais plus le supporter, c’était trop lourd, trop dur. Ils n’avaient pas le droit de me blesser ainsi, ils n’avaient pas le droit de m’ôter tout espoir, d’éteindre la magie qui vivait en moi…
Ce soir là je ne saluai pas ma princesse. Arrivé près de la porte de la boutique de jouet j’arrachai un bout de bois, le même qui m’avait gravé dans le dos cette cicatrice. Je ne me souviens plus comment je l’ai décroché. Je me rappelle juste de cette haine qui me dominait, m’asservissait. Je ne l’avais pas senti naître en mon sein, petit bourgeon insignifiant. Mais ils l’avaient arrosé, l’avaient réchauffé. Ils avaient noyés la raison pour mieux incendier mon cœur. Je n’avais pas d’avenir alors que m’importait désormais que mes actes soient bons ou mauvais ?
Je n’avais pas d’avenir alors j’allais détruire le leur. J’allais détruire leur avenir…à tous.

Avais-je défoncé la porte, l’avais-je simplement poussée ou était-elle déjà ouverte ? Je ne saurai le dire. Tout à coup je m’étais retrouvé debout dans cette même pièce que j’avais quittée quelques heures plus tôt. Toutefois je n’étais plus le même.
Quand j’y repense parfois j’ai peur, peur que tout ne recommence. Était-ce juste de la haine ou autre chose…un peu d’amour ? J’aimai cet enfant, j’aimai l’automate mais je ne savais comment l’exprimer. Je n’osais dire la vérité. Et pour cette simple raison, pour elle, pour leur ricanement, leur mépris j’étais prêt à menacer un ange…mon ange.

Il pointa l’épée vers l’enfant. Silence. Sur la lame du sang séché. Lentement il brandit l’arme au dessus de sa tête. L’enfant souriait, confiant.
C’était comme si le temps avait stoppé sa course, plus rien ne bougeait et même les univers s’étaient figés. Quand la folie s’empare de nous plus rien n’a de sens. En face de l’ange un être humain tremblait. Il tremblait de peur, il tremblait d’amour.
Mais sa volonté semblait inébranlable. Ou est-ce qu’il ne savait plus comment faire marche arrière ?
L’épée fendit l’air, blessant à mort le silence.
L’épée fendit l’air et l’ange resta immobile.

Je l’avais souhaité, je l’avais désiré, je l’avais si ardemment convoité que c’était devenu réalité. Je ne savais pas que la réalité pouvait blesser. Je pleurais. Le morceau de bois avait glissé de mes mains tandis que je m’écroulais au sol. Qu’avais-je fait ? Étais-je désormais un meurtrier ? Et il y avait cette image qui revenait sans cesse comme une vérité placardée sur mes yeux, elle s’insinuait en moi. J’avais beau cacher mon visage entre mes mains ses griffes restaient profondément ancrées.
L’enfant, son sourire. L’épée, son cri…l’univers, cette bulle de savon.
Je m’étais cru le maître du monde, j’avais voulu jouer au Dieu alors que je n’étais qu’un cancre sans avenir, je m’étais octroyé le droit de décider du devenir des autres.
J’avais tué l’avenir de quelqu’un. Je l’avais vu éclater en milliers de fragments tandis que mon épée le transperçait de part en part. Était-ce cela mon avenir : détruire celui des autres ?
Je pleurais.
Tout à coup je sentis quelqu’un taper doucement sur mon épaule. Je levais les yeux. L’ange me tendait un parapluie. Mon parapluie.
«Prends le ; ça te seras utile, murmura-t-il ; il ne faudrait pas que d’autres mondes éclatent…»
Je souris puis agrippais la poignée recourbée du parapluie. «Merci de ton aide, petit chevalier.»

Et l’ange pardonna. Il ramassa les débris d’avenir puis s’assit à mes côtés. Je m’étais un peu calmé et dans la pièce la pluie avait cessé. Toutefois j’avais toujours ce poids sur la conscience comme un meurtre. J’ignorais à qui appartenait cet avenir mais quelque part sur Terre, par ma faute, un être se sentait vide et sans but. Soudain je me tournai vers mon ange :
«Apprends-moi à aimer ; à aimer en paix.»
Et l’ange accepta.

posted in Contes | 4 Comments

28th février 2011

L’ange et la princesse (2/4)

Salut,

Voici la deuxième partie de mon conte. J’espère qu’elle vous plaira (et que vous vous êtes languis de connaître la suite !)

Mon prof de philo disait que pour un commentaire de texte il faut toujours écrire en ayant en tête ce qui précède mais aussi ce qui suit. Je crois que ce conseil est aussi à appliquer dans la littérature. Les références à ce qui précède sont des clins d’œil au lecteur, un moyen de raccrocher à un monde tandis que les références à ce qui suit ne sont que suspens.

Bye et bonne lecture.

L’ange et la princesse (1/4)
L’ange et la princesse (3/4)
L’ange et la princesse (4/4)

____________________________

L’ange et la princesse (2/4)

Quand la porte grinça je sursautai. On s’habitue vite au silence. J’avais suivi l’ange dans le dédale des rues. Nous avions tourné, bifurqué, dévié presque à chaque croisement.
«Où sommes-nous ?» avais-je demandé, perdu.
Il n’avait pas répondu. Son doigt s’était porté à ses lèvres, frontière infranchissable. Le panneau de bois avait pivoté. Tandis que je pénétrais à l’intérieur, guidé par l’ange, mes yeux habitués à la clarté de la Lune tentaient de s’accoutumer à l’obscurité.
Petit à petit, tel un tableau qui se dessine sous notre regard, je pris conscience de ce qui m’entourait. C’était comme devenir peintre.
La pièce semblait vaste et vide, sur les murs se dressaient jusqu’au plafond d’immenses étagères également vides. En réalité tout était vide et même les pièces adjacentes étaient exemptes de tout mobilier.
Soudain dans un recoin, à travers l’arcade d’une porte, je discernai une forme étrange et géométrique. Vision fragmentaire. L’ange avait condamné l’accès. Je voulus protester mais aucun son ne sortit, les lèvres cousues par la surprise. Je fis un pas en avant. Tout à coup je me figeai. Un soleil brillait entre les mains de l’ange. Une chandelle rayonnait dans les mains de l’enfant. J’étais au paradis.

Ceux qui ne croient pas au paradis c’est simplement qu’ils ne l’ont jamais vu. Il n’y a pas de blancs nuages ou des grilles d’or là-haut. Il ne se situe même pas au dessus de nos têtes. J’ignorais que le paradis logeait dans ma ville et qu’on le dissimulait dans une ruine à l’abandon. Les étagères n’étaient pas vides. La pièce était pleine, remplie de l’invisible. Alignées sur des planches de bois se tenaient en équilibre des centaines de mondes, des centaines de bulles de savon et au cœur de cet espace flottait une multitude d’univers. C’était comme être en apesanteur. Rien ne me faisait peur. L’atmosphère n’était pas oppressante mais à la fois intime et infinie, apaisante. Toutes les portes étaient closes. Il n’y avait que l’ange portant le Soleil à bout de bras, ces sphères aux reflets changeant et moi. Cette nuit là mon ange s’éleva au rang de Dieu.

Sur le parquet l’enfant avait déposé le Soleil puis il s’était assis à sa droite. Son invitation muette m’avait suffi pour que j’aille m’accroupir de l’autre côté.
Pendant longtemps nul n’osa entamer la conversation comme si un simple souffle eut pu faire éclater les mondes et provoquer une tempête. A cet instant je crois que je ne ressentais qu’une vaste paix intérieure. Tout se déplaçait au ralenti, nulle précipitation, juste mon cœur subissant d’étranges trépidations, palpitant au rythme de notre univers. Je n’ai pas honte de le dire : à ce moment j’avais la sensation que le monde m’appartenait et que j’en étais le maître incontesté. Probablement que la folie était en train de me gagner mais même cela je l’ignorais. En fait je n’avais d’emprise sur rien, ni sur mes actions ni sur mes émotions. J’étais amoureux d’une princesse qui ne daignait m’adresser un regard et dont j’ignorais le nom, je m’attachais à un ange et sa boite de chaussures mais surtout j’étais incapable de contenir ma curiosité, je parlais à cœur ouvert.
«Si tu es un ange, aide-moi.»
Regard étonné. Sourire innocent.
«C’est quoi un ange ? »
Aujourd’hui encore il attend sa réponse.

On a tous dans nos vies quelqu’un dont le sourire fait s’envoler nos cœurs. On a tous dans nos vies quelqu’un qui nous a un jour aidé et nous a sorti de l’ombre. On a tous dans nos vies quelqu’un qui nous aime, parfois on ne le sait pas, parfois cela ne se dit pas.
Ces personnes sont des anges, inconnus, ignorés, mais de ceux qui ne laissent pas indifférents, qui gravent en nous de profondes cicatrices.
Tu es un ange, il est un ange, elle un ange.
Mais ne dîtes rien…c’est un secret. On nous prendrait pour des fous.

De nouveau le silence était retombé mais cette fois-ci il était pesant, oppressant, écrasant tandis que s’éveillait en moi une étrange révélation : les anges parlent.
Alors, obnubilé par la caresse de sa voix je posais une nouvelle question : «Qui es-tu ?»
Une minute. Deux minutes. Dix minutes. Découragement. Déception. Abandon. Je me levai et fis demi-tour vers la porte. «Au revoir». Et alors que je m’apprêtais à franchir le seuil un murmure s’éleva, cri dans le silence : «Je suis le chevalier de la vérité».
Brusquement je m’arrêtai. Cette porte, ce morceau de bois à la teinte rougeâtre ; je les reconnaissais.
Mon cœur s’était accéléré. Je me sentais piégé.
«Mais…qu’as-tu fait ? Où sommes-nous ?»
Cet univers que je venais de rencontrer, ce paradis, rejoignait soudain la réalité ? J’avais l’impression d’avoir été trahi.
Je sortis en courant et regardai vivement autour de moi. C’était notre rue, celle de notre rencontre. La princesse était là, immobile, elle me fixait.
«Ce n’est pas normal. Ce n’est pas rationnel…» Je tournais sur moi même de plus en plus vite.
«Je ne peux pas avoir couru après toi et me retrouver ici ! » Soudain j’avais peur, une peur incontrôlable. Je voulus retourner dans la fabrique de jouet où j’avais quitté l’enfant mais la porte s’était refermée.
«Ouvre-moi ! » Je frappai le bois.
«Tu n’as pas le droit de me laisser seul !»
Je glissai au sol. «Je suis fou, complètement fou». Quelques larmes au coin de mes yeux.
«Je ne lui veux pas de mal moi à ta princesse petit chevalier…laisse moi juste l’aimer.»
Généralement il me suffisait de regarder son sourire tendre et sensuel pour qu’elle efface tous mes tourments. Pourtant cette nuit rien n’y fit. Elle avait beau m’offrir son regard le plus lumineux je me sentais seul. Mon ange était parti, le paradis avec lui.

J’étais probablement le seul à le connaître, à partager ce secret et pour cette unique raison je pensais qu’il m’appartenait, que j’avais un ange, mon ange.
Pourtant rien ne me donnait le droit de m’approprier un chérubin, rien à part ce désir étrange de compter aux yeux de quelqu’un. Et il y avait cette princesse dont j’étais amoureux et je ne savais même pas pourquoi ; cette princesse qui assiégeait mon esprit jour et nuit et qui assaillait mon cœur de tant de questions naissant toutes de celle-ci : «Ai-je le droit de l’aimer ?»
En réalité ce n’était pas un corps que je convoitais mais une âme ; ce n’était pas une femme qui m’attirait mais la magie qui dort. J’aimais l’impossible d’un rêve, la fantaisie de l’éternel car ce n’était que dans l’irréel que mon avenir devenait réel.
Il est douloureux d’aimer plusieurs êtres à la fois car l’affection d’un seul ne nous suffit pas. C’est le sourire de tous que l’on veut posséder.

Mais nos pas nous ramènent toujours là où notre cœur le désire. Parfois il faut attendre des dizaines d’années, bien souvent ce n’est qu’inconsciemment que l’on y retourne. Toutefois en ce qui me concerne mon cœur ne patienta qu’une nuit, une nuit sans fin, seul dans ma chambre à rêver de la princesse, à songer à mon ange. Une nuit blanche.
Que faisaient-ils ? Avait-il bien récupérer le monde ? Ne se sentait-elle point seule ? Et s’imposant à toutes les autres cette unique question : Qu’est ce que cette forme dans l’autre pièce ?
Je ne retins ma curiosité qu’une nuit.
Le lendemain soir je me retrouvai devant l’automate. Il ne faisait pas encore sombre et je patientai. On pourrait attendre l’éternité un être que l’on aime. J’ignorais complètement ce que j’allais lui dire mais peu m’importait : je devais lui parler, j’avais trop de questions.
Il arriva comme d’habitude, ponctuel, précédé seulement par sa fugue. J’avais l’impression de le retrouver après des années de séparation. On ne survit pas longtemps sans son ange. Tout à coup, mu par une force inconnue, je m’agenouillai.
«Je suis à vos ordres, chevalier de la vérité.» Debout il était à peine plus grand que moi.
C’est petit un ange. C’est fragile.

posted in Contes | 2 Comments

12th février 2011

L’ange et la princesse (1/4)

Salut !

Je vous présente aujourd’hui la première partie d’un conte écrit peu avant les vacances de Noël. Je l’adore ! Quand je dis cela ce n’est surement pas pour me vanter de quoi que ce soit (j’ignore s’il vous plaira ou s’il est bien) mais pour la simple raison que ce doit être l’histoire que j’ai écrite qui m’a le plus passionnée. Quand je l’écrivais j’en oubliais mes devoirs, l’heure… C’est fantastique d’écrire tout en inventant. Bien sur je connaissais le déroulement général de l’histoire mais pas les détails et plusieurs fois je me suis retrouvée à avoir l’impression d’être le personnage principal. J’étais déçue à la fin quand j’ai dû la finir.

Je crois que je ne m’étais jamais autant donnée dans un conte, j’espère qu’il vous plaira, n’hésitez pas à critiquer et à me dire ce que vous en pensez !

Bye et bonne lecture.

L’ange et la princesse (2/4)
L’ange et la princesse (3/4)
L’ange et la princesse (4/4)

__________________________________

L’ange et la princesse (1/4)

Il pointa l’épée vers l’enfant. Silence. Sur la lame du sang séché. Lentement il brandit l’arme au dessus de sa tête. L’enfant souriait, confiant.

Il était une fois un automate encastré fermement dans la roche au dessus de la porte d’une boutique de jouet à l’abandon. Le magasin était situé à l’angle d’une rue peu passante. Les pierres commençaient à noircir, les vitres étaient couvertes de poussières et à travers seule la pénombre était visible. Au sol les dalles étaient pour la plupart fissurées, cicatrices du temps. Cela faisait des dizaines d’années que nul n’était entré dans la boutique depuis la mort des derniers propriétaires. Des légendes racontent que de leur vie ils n’avaient jamais quitté ce magasin.
«Entre ces murs nous faisons bien plus que vendre de simples jouets, disait la vieille femme ; on fabrique.
Que fabriquez-vous ? Demandaient les curieux.»
Alors toujours au côté de sa femme un vieil homme répondait avec un clin d’œil : «Les secrets ne sont que des vérités à protéger. J’en suis leur chevalier.»
Et l’automate avait des allures de reine, figée sur son socle de pierre, trône d’éternité. Malgré les années elle resplendissait, réverbère dans l’obscurité.

Depuis quelques jours tous les soirs l’automate voyait arriver un enfant sautillant de joie et de gaité. Les dalles instables ne le gênaient pas, démarche divine.
Il tenait entre ses petites mains une boite à chaussures comme si c’était la chose la plus précieuse qu’il possédait. Arrivé à la hauteur du magasin l’enfant s’arrêtait devant la porte et levait la tête.
«Princesse, offre-moi un peu de ton âme, je me sens vide.»
L’automate se penchait alors vers lui, joignait ses mains afin de former un cercle, puis soufflait. Quelques secondes plus tard une bulle se dessinait, naissait tel un nouveau-né sort du ventre de sa mère, contour informe avant de devenir une sphère multicolore. Sans précipitation, sûr de lui, l’enfant ôtait le couvercle de la boite à chaussures et la dressait au dessus de sa tête. Dès que la bulle s’y était déposée il refermait avec précaution sa cage, s’inclinait puis repartait par où il était venu de sa même démarche insouciante.
Ceux qui croient que les automates n’ont pas d’âme c’est simplement qu’ils ne l’ont jamais eu entre les mains.

A cette époque j’étais jeune et insouciant, je n’appris que plus tard ce qui se déroulait la nuit à mon insu. J’étais encore innocent, de ces adolescents à l’esprit borné. Je ne pensais qu’à elle, princesse. A elle, elle, elle…

Elle était assise les jambes croisées, droite et le visage de profil. Une jupe plissée lui descendant jusqu’aux mollets découvrait des pies nus et fins. Elle dégageait une impression de calme et de paix, ses mains posées l’une sur l’autre sur ses genoux. Bien que n’étant pourvue d’aucuns bijoux sa svelte silhouette attirait immédiatement de regard, surtout son visage. Elle avait un étrange sourire, de celui qui dit : «Je sais quelque chose que tu ignores», de ces sourires mystérieux qui font tout le charme des femmes. Et il y avait ses yeux dans lesquels j’ai tellement aimé me noyer, sans profondeur, infinis, ils menaient à son âme.
Quelque chose en elle m’attirait, me séduisait. C’était plus que de la sensualité…de la féminité.

Cet après-midi quand je suis sorti des cours j’ai couru, j’ai couru à perdre haleine et quand mon cartable a commencé à me gêner, ralentissant ma course, je l’ai jeté au sol sans un regard en arrière.
Leurs rires retentissaient encore en moi, telle la houle ils revenaient sans cesse à l’assaut de mon cœur. Il y avait leurs regards, leurs moqueries, leur mépris : «Dans quelques années tu ramasseras des déchets dans la rue…dans quelques années tu seras au chômage…tu le fais exprès ou quoi ! Travaille !»
Quand je m’affalai contre un mur il faisait nuit depuis longtemps déjà. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était, de lourds nuages masquant la voûte céleste. Solitude. Égarement. Mon visage entre mes mains.
Au bout d’un temps qui me parut interminable, calmé, je relevai la tête pour voir si je reconnaissais cette rue. Elle était étroite et il faisait sombre. Si j’avais fermé les yeux cela serait revenu au même…ou presque. Derrière moi il y avait une étrange lumière voilée par un peu de brouillard. C’était comme une apparition. Je restai longtemps à la regarder, envouté. La peur, la haine, la rancœur, la douleur ; envolées.
Soudain un bruit. D’abord lointain il devint de plus en plus précis. Quelqu’un s’approchait.
Effrayé je me cachai dans le renfoncement d’une porte un peu délabrée. Un morceau de bois m’écorcha le dos mais je ne bougeai pas et tendis un peu plus l’oreille.
Ce n’était pas le pas lourd des ivrognes ni celui feutré des gens malintentionnés. C’était comme un sautillement, une fugue. Intrigué je jetai un coup d’œil.
Un ange.

Ceux qui ne croient pas aux anges c’est simplement qu’ils n’en ont jamais vu. Les anges n’ont pas d’ailes dans le dos ou d’auréoles au dessus de la tête : ils ont un sourire radieux et un tendre regard. Les anges ne sont pas vêtus de blanc : c’est leur âme qui rayonne.
Si ce soir il n’y avait pas eu ce bout de bois qui laissait tomber au sol quelques gouttes de sang probablement que j’aurais cru que j’étais monté au ciel. Mais non j’avais mal, très mal. Cependant je n’osais pas bouger et briser le sortilège.
Je vis l’ange s’adresser à une princesse qui n’avait pas de couronne, je vis l’automate prendre vie et enfanter le monde entre ses mains avant qu’il ne soit piégé dans une petite boite à chaussures. Je vis l’ange s’incliner et repartir. Et la fugue s’éloigna avant de mourir.
Lorsque tout fut terminé je remarquai alors que j’étais frigorifié. Doucement je fis pivoter la porte contre laquelle j’étais adossé, y pénétrai, la refermai puis m’endormis.
Certains jours quand je doute de tout ceci je regarde mon dos dans un miroir. J’ai une cicatrice.

Comme pour chaque maison inhabitée, chaque demeure laissée à l’abandon, les villageois ne tardent jamais à s’en servir dans leurs légendes, leurs histoires d’horreur. Il paraît que quiconque pénètre dans la boutique de jouet devient fou. Mais c’est ce que les gens racontent…

Les jours qui suivirent, je retournai en cours. Était-ce pure folie que d’espérer qu’un jour les Hommes puissent changer ? Depuis ce soir où j’avais effleuré le paradis j’espérais.
Je sortis des cours. Mon cartable était situé juste quelques rues plus loin de là où je m’étais réfugié. Je l’avais vite retrouvé. En fait cette nuit là je n’étais pas perdu. Le matin, baigné par la lumière du Soleil le quartier avait retrouvé une allure familière. Toutefois ce n’était plus la même rue car la clarté aveuglante du jour étouffait les faibles rayons de…
«Pourquoi tu restes ici ? De toute manière tu n’as pas d’avenir !»
C’est douloureux d’espérer, c’est comme un morceau de bois dans le dos…sans raison…sans récompense bien des fois.
Ne pas réagir, ne pas se retourner. Ignorer.
Il y a trois jours je m’étais fait la promesse de revenir voir la princesse et son ange. Alors pour l’instant mon avenir s’arrêtait là et ça me suffisait.

La nuit était tombée et la vie avait déserté la ruelle. J’étais seul. Seul en face de la princesse. Je lui parlais comme si elle pouvait me comprendre. Je lui confiais mes doutes, mes espoirs, ma douleur toutefois aucun mouvement, aussi infime soit-il, ne l’animait. Elle était statufiée. J’avais fini par m’asseoir par terre en tailleur quand je perçus la fugue, douce mélodie. Je levai la tête. Un bond, une pirouette…l’ange arrivait.
De nouveau le même rituel s’effectua sous mes yeux ébahis mais à la fin, tandis qu’il s’inclinait devant la princesse, il se retourna et me salua d’un clin d’œil avant de repartir.
«Attends !» C’était la première fois que j’ordonnais à un ange. Je me levai et courus à sa suite. A-t-on le droit d’ordonner à un ange ? Je l’ignorais.
«Es-tu un ange ? » Il ne m’écoutait pas, il sautillait et moi j’avais tout le mal du monde à le rattraper. Soudain il tourna au croisement…quand je bifurquai il n’y avait plus personne. La rue était déserte. Je rebroussais alors chemin, déçu.
«Si tu es un ange, aide-moi.»
Mais j’étais encore trop jeune pour comprendre qu’être aidé c’est recevoir un peu d’amour et que ce n’est possible à la seule condition que l’on ait ôté de son cœur toute haine.
A cette époque je haïssais le monde.

C’était devenu une habitude. Tous les soirs je me rendais à la rue de la boutique de jouet. J’attendais et l’ange apparaissait. Je lui courais après puis il disparaissait, illusion qui s’effrite.
Mais les adolescents sont ainsi faits que dès que quelque chose leur résiste ils s’attachent d’autant plus à en percer le mystère. Mon mystère à moi il mesurait un mètre vingt. A première vue c’était un tout petit mystère sans intérêt. A part un fou qui donc aurait daigné porter attention à un ange déchu et à sa ridicule boite de chaussures ?
Un adolescent désespéré.

Ce soir là je m’en souviendrai toute ma vie. Il pleuvait à torrent sur la ville et même mon parapluie ne parvenait à m’abriter complètement. J’avais hésité à aller dire bonjour à la princesse mais je m’y étais finalement résolu. Je n’avais heureusement pas eu à attendre longtemps la venue de l’ange. Malgré le flux d’eau canalisé par la ruelle étroite il n’avait aucune difficulté à se déplacer. En réalité on eut dit qu’il marchait sur un océan. Il ne glissait pas, il n’éclaboussait pas. Il jouait sa fugue.
Cependant il était trempé. Ses cheveux mi-longs dégoulinaient sur ses épaules et ses vêtements lui collaient à la peau. Même les anges peuvent être mouillés.
«Princesse, offre-moi un peu de ton âme, je me sens vide.»
L’automate souffla alors et une bulle apparut.
«Attends !» Intrigué cette fois l’ange se retourna.
«Prends-le ; ça te sera utile, murmurai-je en lui tendant mon parapluie ; il ne faudrait pas que le monde éclate…» Je lui souris. Il fit un signe de la tête en guise de remerciement et agrippa de sa petite main la poignée recourbée du parapluie.
Il y a des instants de notre vie où tout se fige comme une photographie. Il était là en face de moi, à quelques centimètres. J’avais encore ma main sur le parapluie. Il venait d’y déposer la sienne. Et il y avait cette bulle de savon, seul élément nous séparant…ce monde arc-en-ciel. Autour de nous la pluie ruisselait, cadre mouvant à notre tableau. Elle nous enserrait, nous séparait du reste du monde, doux crépitement. Un ange et un cancre sous le même parapluie, un ange qui se protège du ciel. A l’école personne ne nous apprend à parler aux anges, personne ne nous apprend à sourire aux anges. J’étais immobile.
«Suis-moi» avait-il chuchoté. Mais ses lèvres n’avaient pas bougé. Peut-être l’avais-je rêvé.
Toutefois lorsqu’il avait fait demi-tour et qu’il était reparti, sautillant de plus belle, j’étais à ses côtés. Je fuguais.

posted in Contes | 4 Comments

29th janvier 2011

Ec-rire

Salut !

Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que la littérature est un travail de partage et d’échange. Toutefois de nature assez solitaire je ne me voyais pas écrire un poème avec quelqu’un. De ce fait Jacky et moi avons décidé d’écrire chacun sur le même thème pour comparer ensuite nos façon de l’aborder et pouvoir faire profiter l’autre de nos critiques. Le sujet : le Rire !

Et il faut le dire, on a des points de vue très différents sur ce thème. Je vous présente aujourd’hui mon poème et vous donne le lien vers celui de Jacky. Qu’en pensez-vous ? Et n’hésitez pas à aller laisser un commentaire chez Jacky aussi !

Bye et bonne lecture.

______________________________

Ec-rire

Ils ont ri, coups de feu, quand j’étais face à eux.
Hideux leurs doigts pointés, gâchettes enclenchées
Qui éclaboussent les yeux entachant le ciel bleu
De roses. Déchirer, mutiler, écorcher…
C’est un jeu.

J’ai ri, déflagration, risque d’implosion,
Pour étouffer un cœur battant de trop d’ardeur.
Pression des émotions, douloureuses torsions,
Les décibels qu’on pleure expulsent sans pudeur
Les passions.

Tu as ri tendrement, caresse, apaisement.
Assise en face de toi, soudain prise d’émoi
Je n’étais qu’une enfant souriant simplement.
Ris encore pour moi ! Sais-tu que sans ta voix
Je me noie ?

On a ri ensemble, cadence qui s’assemble.
Quand la joie si brève distille en nous la trêve,
Sur les joues il semble que les pleurs se ressemblent.
Le silence enlève, seul, l’illusion de nos rêves
D’effusion.

posted in Poèmes | 2 Comments