L’envol (2/2)
Salut !
Voici la deuxième partie du récit débuté au post précédent. J’espère que la fin vous plaira.
Bonne lecture !
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L’envol (2/2)
Une légende raconte qu’il y a très longtemps les villageois auraient chassés les oiseaux du ciel, effrayés par ces créatures volant là où leur regards n’osaient se poser. Sortant un jour, des torches à la main, ils les auraient lancés haut dans les airs au royaume des anges. Le ciel aurait alors pris feu, devenant aussi noir que des cendres tandis que, de leurs ailes, les oiseaux tentaient d’étouffer l’incendie. Il parait que, leurs plumes brûlées, ils se seraient enfuis à jamais, laissant le vent seul sur la plaine.
Un après-midi Hegoa arriva sur la colline les bras chargés de morceau de bois. Surpris car ne les attendant pas de si tôt le vent alla se placer au bord de la plaine afin de regarder la jeune femme monter. Il ignorait son nom mais cela ne l’empêchait pas de l’aimer bien qu’il souffrait de ne pouvoir le lui dire.
« Que comptes-tu faire avec tout ce bois ? » demanda-t-elle en écho à la pensée muette du vent.
» Je voudrais construire une balançoire…c’est pour aller voir la Lune. »
Tandis que la jeune femme arrivait au sommet, le vent lui tendit la main, l’attirant contre lui.
« Mais il n’y a aucun arbre ici pouvant la soutenir » répliqua-t-elle.
Hegoa haussa les épaules, déjà au travail.
« Pas grave, je l’accrocherai aux étoiles »
Au village la lumière des lampadaires était si vive qu’elle masquait les astres et donnait à la Lune un pâle visage. On la distinguait à peine et les villageois auraient bien voulu qu’elle ne soit plus qu’une ombre. Qui aurait pu voir alors que, dans le creux de la Lune, se cachait le dernier oiseau de la plaine ?
Le vent se tut un instant, plongé dans ses souvenirs.
« Un soir l’œuvre d’Hegoa fut achevé et je sentis au regard qu’il laissait derrière lui que rien ne serait plus pareil. »
Des images comme des bulles de savon…
Hegoa tirant sa mère par la main, prêt à s’envoler ; les ombres naissants sur les murs et ce flambeau au milieu de la place.
« Pourquoi cache-t-on la Lune Maman ? Elle est si belle… »
Un enfant, sur la pointe des pieds.
« Je crois qu’après l’incendie un oiseau a fait son nid sur la Lune. »
Doucement le couvercle de la lanterne se soulève.
« J’ai quelque chose d’important à lui demander »
Un souffle, la danse de la flamme puis l’obscurité.
« Dis, tu me pousseras sur la balançoire ? »
Doucement la ville s’éteignit, plongée dans le sommeil.
Certains racontent qu’Hegoa souffla, seul, sur chaque lanterne. D’autres prétendent qu’il appela à lui les ombres aux yeux tristes pour l’aider dans sa tache mais qui sait si, sans le dire, le vent ne descendit pas de la plaine ?
Quelques heures plus tard le jeune femme monta sur la plaine pour y déposer Hegoa. Jamais les villageois ne l’auraient, ils ne lui couperaient pas ses ailes, elle y veillerait.
Ses yeux s’égarèrent dans le vide.
« S’il te plaît, protège le. »
Et, tandis qu’elle redescendait affronter le village, l’air humide de la nuit au creux de ses lèvres avait le goût des promesses éternelles.
Plan fixe sur un carré de nuit. Le crissement du bois se mêle au rire d’un enfant.
« Plus fort ! »
Deux petites jambes traversent le champ, tendues vers le ciel avant de se replier sur elles-mêmes.
« Encore ! »
Le vent, posté derrière l’enfant, attrape de façon rythmique les bords de la balançoire afin de la propulser dans les airs.
Lentement les contours de la Lune se dessinent dans le coin droit du cadre tandis que les mains de l’enfant se tendent vers elle.
« Approche, je ne vais pas te faire de mal. »
Ce soir là la Lune en était à son premier quart et semblait aussi fragile qu’une femme venant d’enfanter.
« Comment t’appelles-tu ? »
Bruissement d’aile alors que, doucement, deux paires de serre se referment sur l’arrête de la Lune.
« Moi c’est Hegoa. »
Dans le lointain des torches rallument les étoiles de la terre.
« Dis, tu m’apprends à voler ? »
Et, lorsque les deux oiseaux s’élancèrent dans les airs, l’enfant lâcha la corde suspendue aux étoiles et sauta dans le vide. Alors, dans le vent il vola et les rêves, doucement, repeuplèrent le ciel.
***
Une petite main tira sur ma manche, faisant déraper ma plume.
« Pourquoi est-ce que la jeune femme ne retourne pas voir le vent ? »
Je regardai son visage et ses grands yeux emplis de questions. Il me ressemblait un peu mais il avait les cheveux blonds d’Hegoa. Il était toujours là près de la plume, comme un encrier.
« Parce que toutes les femmes s’en vont un jour bien que l’on ignore souvent leurs raisons. Celle que j’aimais est partie. »
Il inclina légèrement la tête sur le côté, semblant ne pas comprendre.
« C’est à cause des villageois ?
- Peut-être. »
Alors que je lui souriais, satisfait de ma réponse il fit demi-tour et, en le regardant s’éloigner je cru distinguer dans son dos l’étrange reflet de deux ailes.
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